La politique de s\u00e9curit\u00e9 et d’assistance sociales ne doit pas \u00eatre passive \u2014 emp\u00eacher les gens de crever de faim ne suffit pas \u2014 et la notion du droit \u00e0 la satisfaction des besoins essentiels du citoyen et de sa famille, lorsqu’ils sont \u00e9conomiquement faibles, quelle que soit la cause imm\u00e9diate ou \u00e9loign\u00e9e de cette situation, doit remplacer le concept inadmissible de la \u00ab\u00a0charit\u00e9 publique\u00a0\u00bb.<\/strong><\/p>\nDangereusement bien portant, lucide et direct comme aux grandes heures de la nationalisation de l’\u00e9lectricit\u00e9, le nouveau ministre de la famille et du bien-\u00eatre, M. Ren\u00e9 L\u00e9vesque, a choisi un modeste auditoire de 300 personnes, \u00e0 Ville St-Michel, hier soir, pour tracer les premi\u00e8res grandes lignes de la nouvelle politique de s\u00e9curit\u00e9 et d’assistance sociales du Qu\u00e9bec, mod\u00e8le 1965.<\/p>\n
Le ministre, qui n’assume ses nouvelles fonctions que depuis un mois et demi, est arriv\u00e9 les bras charg\u00e9s de nouvelles exp\u00e9riences, dans la main gauche un exemplaire du rapport Boucher produit par le comit\u00e9 d’\u00e9tude sur l’assistance publique, en 1963 ; dans la droite, cinq pages de notes \u00e9crites et un paquet de cigarettes qu’il a quasiment \u00e9puis\u00e9.<\/p>\n
Toute la politique doit \u00eatre ax\u00e9e sur la famille et il faut reconna\u00eetre une fois pour toutes que l’accroissement des charges familiales est une \u00ab\u00a0risque social\u00a0\u00bb au m\u00eame titre que la vieillesse, le ch\u00f4mage ou l’invalidit\u00e9.<\/p>\n
Cette politique doit \u00eatre int\u00e9gr\u00e9e. Il faut la reformuler au plus t\u00f4t dans les textes et les r\u00e8glements, moderniser, simplifier, humaniser et cesser aussi de consid\u00e9rer les prestations en argent comme \nl’\u00e9l\u00e9ment le plus important de cette nouvelle politique : les services, sant\u00e9, logement, cr\u00e9dit populaire, etc., ont au moins autant d’importance.<\/p>\n
Elle doit en outre elle-m\u00eame faire partie d\u2019un tout plus vaste et s\u2019inscrire dans la politique \u00e9conomique et sociale de l’Etat. Un exemple : les travaux d’hiver aux Iles-de-la-Madeleine ont incit\u00e9 des p\u00eacheurs \u00e0 quitter leurs chalutiers. A d\u00e9faut de p\u00e8che, les poisonneries ont mis des hommes \u00e0 pied. Pour les d\u00e9panner, on les a mis sur les travaux d’hiver !<\/p>\n
M. L\u00e9vesque consid\u00e8re la nouvelle politique du gouvernement comme un \u00ab\u00a0chantier de r\u00e9fection et de reconstruction des parties les plus menac\u00e9es ou les plus faibles Elle doit donc \u00eatre orient\u00e9e vers la pr\u00e9vention et la r\u00e9habilitation, s’attaquer aux causes de la d\u00e9pendance sociale autant qu’\u00e0 ses effets\u00a0\u00bb.<\/p>\n
Cette politique doit \u00eatre communautaire. L\u2019Etat oriente, sugg\u00e8re, invente, contr\u00f4le les deniers, mais aller six fois \u00e0 Qu\u00e9bec chercher ses prestations, ou ses services, c\u2019est aussi b\u00eate que s’il fallait, de Montr\u00e9al ou Mont-Laurier, aller y acheter ses \u00e9piceries.\u00a0Le programme doit \u00eatre d\u00e9centralis\u00e9 et tirer profit au maximum des ressources humaines r\u00e9gionales, communautaires, locales.<\/p>\n
Ce programme, pour l’essentiel, doit comporter les \u00e9l\u00e9ments suivants : une simplification et une modernisation des lois, r\u00e8glements et taux d’assistance, autour de deux p\u00f4les principaux: les prestations et les services.<\/p>\n
Il remplace le concept vieux de 21 ans des allocations familiales par un mode de \u00ab\u00a0compensation des charges familiales\u00a0\u00bb ou si l’on veut une politique d’allocations fortement gradu\u00e9es et index\u00e9es suivant l’accroissement du co\u00fbt de la vie. \u2014 \u00e0 mesure que la famille se peuple et qu’augmente lui-m\u00eame le prix des denr\u00e9es. En d’autres termes, \u201ccalibrer\u201d l’assistance de l’Etat aux familles \u00e9conomiquement faibles en fonction de leurs besoins \u00e0 mesure que ceux-ci se font plus criants. Actuellement les allocations f\u00e9d\u00e9rales ‘tombent\u00a0\u00bb \u00e0 l\u2019heure o\u00f9 les besoins familiaux sont les plus grands.<\/p>\n
La nouvelle politique se trouverait \u00e0 \u00ab\u00a0assurer\u00a0\u00bb le risque social croissant que constituent les familles nombreuses et r\u00e9tablir l\u2019\u00e9quilibre des chances de ceux \u00ab\u00a0qui sont n\u00e9s en bas de la c\u00f4te\u00a0\u00bb…<\/p>\n
La loi d\u2019assistance qui vient compl\u00e9ter l’apport des allocations doit \u00eatre \u00ab\u00a0int\u00e9gr\u00e9e\u201d, tenir compte des exigences budg\u00e9taires de la famille \u00e9conomiquement faible, abolir la plupart des cat\u00e9gories d’assistance, en somme r\u00e9pondre davantage aux besoins qu’\u00e0 la nature ds handicaps.<\/p>\n
(Suite \u00e0 la page 14)<\/i><\/b><\/p>\n
Le deuxi\u00e8me p\u00f4le de la nouvelle politique de s\u00e9curit\u00e9 et d\u2019assistance sociales, ce sont les services, tout aussi importants que les prestations en argent, en soi souvent assez peu productives, bien partielles en tous cas.<\/p>\n
Au premier titre, les services de sant\u00e9, d\u2019o\u00f9 la mise en vigueur, le plus t\u00f4t possible, de l\u2019assurance-sant\u00e9; d\u2019o\u00f9 l\u2019\u00e9troite collaboration requise entre le minist\u00e8re de M. L\u00e9vesque et celui de M. Kierans.<\/p>\n
Rien ne sert en effet de verser des prestations si le r\u00e9cipiendaire ne peut que choisir entre manger et payer les comptes du m\u00e9decin. De la m\u00eame mani\u00e8re, il est plus avantageux de lib\u00e9rer un ch\u00f4meur de son bail pour faciliter son transfert dans une localit\u00e9 o\u00f9 du travail l\u2019attend, que de le laisser pourrir sur place en \u2019\u2019subventionnant\u201d ses bras crois\u00e9s. D\u2019o\u00f9 int\u00e9gration des politiques \u201ctravail\u201d et \u00ab\u00a0bien-\u00eatre et famille \u00ab\u00a0. Il en va ainsi des services \u00e0 l\u2019\u00e9ducation, pour le recyclage, l\u2019adaptation des handicap\u00e9s que la seule assistance en argent ne pourra jamais rendre productifs.<\/p>\n
Pour ce qui est du minist\u00e8re de la famille m\u00eame, il doit assurer notamment, et c\u2019est urgent, l\u2019aide aux familles, orientation du budget, organismes coop\u00e9ratifs de cr\u00e9dit, etc.; il faut assurer en outre le placement en famille ou en institutions des \u201cisol\u00e9s\u201d, orphelins et vieillards; assurer aussi des services de pr\u00e9vention et de r\u00e9habilitation, pour les d\u00e9linquants surtout, en affirmant par exemple la vocation avant tout socio-familiale de tous les organismes concern\u00e9s, y compris les tribunaux juv\u00e9niles.<\/p>\n
Un autre service social capital: l\u2019habitation. D’une part il y a la r\u00e9novation urbaine, mais plus encore le logement lui-m\u00eame, ou le devoir de l’Etat, souligne M. L\u00e9vesque, ne se trouve que dans une perspective purement sociale : priorit\u00e9 aux familles \u00e9conomiquement faibles, aux couples et individus \u00e2g\u00e9s, logis subventionn\u00e9s.<\/p>\n
\u00a0\u00bbSeule, une telle perspective peut justifier d’ailleurs que nous envisagions d’y d\u00e9penser des fonds publics\u00a0\u00bb, souligne le ministre. A d\u00e9faut d\u2019une telle politique, l’assistance sociale actuelle se trouve \u00e0 subventionner litt\u00e9ralement des exploiteurs propri\u00e9taires de taudis.<\/p>\n
Enfin, M. L\u00e9vesque a soulign\u00e9 la n\u00e9cessit\u00e9 d\u2019\u00e9tendre \u00e0 toutes les r\u00e9gions, et non seulement les centres urbains, l\u2019assistance judiciaire, qui rel\u00e8ve naturellement de la justice et du barreau.<\/p>\n
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Jean-V. DUFRESNE, \u00ab\u00a0<\/strong>L\u00e9vesque expose un nouveau programme de s\u00e9curit\u00e9 et d\u2019assistance sociales\u00a0\u00bb, Le Devoir<\/em>, 16 novembre 1965, A1.<\/strong><\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"Le Collectif a retrac\u00e9 des archives qui nous ram\u00e8nent au coeur de la R\u00e9volution tranquille et nous donnent un aper\u00e7u des d\u00e9bats qui ont men\u00e9 \u00e0 l’adoption de la Loi de l’aide sociale en d\u00e9cembre 1969. L’article complet est reproduit ci-dessous (fautes de frappe et d’orthographe comprises). L’\u00e9dition compl\u00e8te du Devoir du 16 novembre 1965 […]<\/p>\n","protected":false},"author":27,"featured_media":17658,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"footnotes":""},"categories":[410],"tags":[316],"class_list":["post-17657","post","type-post","status-publish","format-standard","has-post-thumbnail","hentry","category-50-ans-daide-sociale","tag-aide-sociale"],"acf":[],"yoast_head":"\n
16 novembre 1965: "L\u00e9vesque expose un nouveau programme de s\u00e9curit\u00e9 et d\u2019assistance sociales" - Collectif pour un Qu\u00e9bec sans pauvret\u00e9<\/title>\n \n \n \n \n \n \n \n \n \n \n \n \n\t \n\t \n\t \n \n \n \n \n \n\t \n\t \n\t \n