Un inexplicable acharnement
Même si c’est un droit fondamental, l’aide sociale a toujours été vue comme une aide temporaire. La même rengaine est reprise depuis 50 ans par tous les gouvernements : la personne assistée sociale a le devoir de recouvrer son autonomie financière le plus rapidement possible en étant active sur le marché du travail. Les maigres prestations qu’elle reçoit, insuffisantes pour couvrir les besoins fondamentaux, sont là pour le lui rappeler.
On reconnaît ici la logique de l’incitation au travail, selon laquelle des prestations d’aide sociale plus élevées auraient un effet addictif et attractif. L’expérience montre que cela relève davantage du préjugé que de la réalité. Mais bon, passons !
Qu’advient-il cependant de cette logique en ce temps de confinement obligatoire, où le marché du travail est mis en pause ? Dans le contexte actuel, le gouvernement peut-il, en toute bonne foi, faire comme s’il s’attendait encore à ce que les personnes assistées sociales (ré)intègrent le monde du travail ? Bien sûr que non. L’incitation à l’emploi, par conséquent, ne peut plus être le principe élémentaire et fondamental de l’aide sociale.
Pourtant, à l’heure actuelle, les personnes assistées sociales reçoivent les mêmes prestations insuffisantes qu’avant la crise de la COVID-19. Prisonnières d’une logique de retour à l’emploi alors que le marché du travail est pour ainsi dire fermé, les personnes assistées sociales en sont encore à attendre du gouvernement du Québec une première annonce d’aide financière qui les concerne. Comment ne pas voir dans cette situation l’ultime preuve d’un acharnement idéologique à l’endroit des plus pauvres ? Un acharnement d’autant plus inexplicable que les ressources communautaires, qui leur viennent habituellement en aide, s’amenuisent au même rythme qu’augmentent les dépenses.
Le gouvernement du Québec aime répéter qu’il est « sensible » aux enjeux de pauvreté et qu’il agit selon des principes d’équité. Quand cette sensibilité se transformera-t-elle enfin en action pour aider, pendant la crise, les personnes qui vivent à longueur d’année en situation de pauvreté ? Pourquoi certaines personnes auraient-elles besoin de 2000 $ par mois pour vivre et d’autres de seulement 690 $ ou 1088 $ ?
Une situation exceptionnelle appelle des mesures exceptionnelles. Il faut agir – maintenant.
Serge Petitclerc, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté