24 avril 2024 Lettre envoyée aux 125 élu.es de l'Assemblée nationale le 24 avril 2024

La pauvreté n’est pas une fatalité. Donnons-nous les moyens de l’éliminer!

Aux député·es de l’Assemblée nationale du Québec,

Le 31 mars 2023, le Plan d’action gouvernemental pour l’inclusion économique et la participation sociale 2017-2023 arrivait à échéance. Nous attendons le dépôt imminent du 4e plan d’action, annoncé pour le printemps.

En vue de l’élaboration de ce plan, la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau, a tenu une consultation publique et une série de rencontres thématiques. Dans le cadre de cette consultation, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale a reçu 273 mémoires[1]. À la lecture d’une partie d’entre eux, on constate un consensus fort autour de l’idée que le prochain plan d’action devra contenir des mesures structurantes pour faire reculer durablement la pauvreté au Québec.

De nombreuses crises frappent actuellement le Québec : insécurité alimentaire, logement et itinérance. Ces crises ont comme dénominateurs communs l’insuffisance des revenus et l’effritement des services publics, et elles ne cessent de croître. Le gouvernement ne peut plus laisser la situation se dégrader : il doit agir et se donner les moyens pour ce faire.

La répartition des ressources financières passe invariablement par le budget du Québec. Ainsi, nous aurions dû retrouver dans le budget 2024-2025 les sommes allouées pour les nouvelles mesures que le gouvernement entend mettre en œuvre dans le 4e plan d’action pour lutter contre la pauvreté. Or il n’y en a pas. Le gouvernement se contente de reconduire des mesures déjà existantes et d’ajouter quelques mesures futiles, voire outrageantes. Le « Supplément de revenu de travail » pour les personnes assistées sociales en est un bon exemple : avec ce supplément, ces personnes pourront conserver 10 % de leurs gains de travail nets qui excèdent les revenus de travail permis (200 $ pour une personne seule ou 300 $ pour un couple). Par exemple, si une personne seule empoche 500 $ en salaire au cours d’un mois, elle pourra conserver 30 $ de plus qu’actuellement. Et quand on sait qu’à peine 3 % des personnes assistées sociales touchent des revenus de travail…

Cette absence de mesures fortes dans le budget laisse augurer le pire quant à l’avenir. La dégradation marquée des conditions de vie d’un grand nombre de personnes en situation de pauvreté, dans les dernières années, commande d’agir de façon urgente et avec vigueur. Il est encore temps pour le gouvernement de prendre ses responsabilités et de proposer à la population du Québec un 4e plan d’action ambitieux, comprenant de réelles mesures structurantes, capables de s’attaquer aux causes de la pauvreté et non seulement à ses effets.

Le Collectif propose en ce sens plusieurs solutions concrètes.

Un meilleur soutien au revenu

Assurer à tout le monde un revenu suffisant pour couvrir ses besoins de base devrait être la priorité du gouvernement. Cela constitue une obligation d’après l’article 9.1 de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale :

Les actions liées au renforcement du filet de sécurité sociale et économique doivent notamment viser à rehausser le revenu accordé aux personnes et aux familles en situation de pauvreté, en tenant compte notamment de leur situation particulière et des ressources dont elles disposent pour couvrir leurs besoins essentiels.

Or, en moyenne d’une année à l’autre, quelque 10 % de la population québécoise ne disposent pas des revenus nécessaires pour couvrir leurs besoins de base, tels que définis par la Mesure du panier de consommation (MPC). En vertu de la Loi, le gouvernement se doit de rehausser les protections publiques de façon à assurer à tous les ménages un revenu au moins égal à la MPC.

Une meilleure redistribution de la richesse

Le gouvernement a la responsabilité d’assurer la redistribution de la richesse au sein de la société et de s’assurer que les plus riches paient leur juste part afin de financer, notamment, les services publics et les programmes sociaux. Ainsi, il devrait contribuer à réduire les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres.

Malheureusement, depuis le début de son mandat, le gouvernement actuel a pris certaines décisions qui ont eu l’effet inverse, soit d’aggraver les inégalités socioéconomiques. La baisse d’impôt qui est entrée en vigueur en 2023 est l’une d’entre elles. En plus de favoriser les personnes les mieux nanties de la société québécoise, cette mesure prive le Québec de plusieurs milliards de dollars, alors que le ministre des Finances, Eric Girard, annonce un déficit de 7,3 milliards $ cette année.

Le gouvernement doit annuler sa baisse d’impôt et réinvestir les sommes ainsi récupérées dans le filet social. Dans le même ordre d’idée, le gouvernement doit accroitre sa marge budgétaire en réformant la fiscalité de façon à la rendre véritablement progressive.

Accès aux services publics

La lutte contre la pauvreté passe par des services publics forts et accessibles. Ceux-ci permettent aux personnes en situation de pauvreté de bénéficier de biens et de services auxquels elles n’auraient pas accès autrement, par manque de moyens. Les services publics permettent de réduire les effets des inégalités socioéconomiques et favorisent l’égalité des chances.

Toutefois, qu’il s’agisse de l’accès à un médecin de famille ou encore de l’accès à des soins de santé, à des services de garde abordables, à du soutien scolaire, etc., les services publics existants sont dans un piètre état.

Par ailleurs, les services publics ne couvrent malheureusement pas tous les besoins de base et certains, dont les soins dentaires et de la vue et les réseaux de transport collectif, sont laissés en grande partie aux aléas du marché.

Le gouvernement doit procéder à un réinvestissement massif et immédiat dans l’ensemble des services publics afin d’en assurer la qualité et l’accessibilité. Il doit également élargir leur portée afin d’inclure l’ensemble des soins de santé et des réseaux de transport collectif.

Ces revendications ont été répétées maintes et maintes fois par une diversité d’acteurs et d’actrices de la société civile. Ce qu’il manque, c’est la volonté politique.

Nous sommes des milliers à compter sur vous.

 

Carole Lévis

Présidente du conseil d’administration

Collectif pour un Québec sans pauvreté

 

[1] Nous n’avons pu consulter que 52 mémoires, la ministre Rouleau ayant choisi de ne pas rendre publics les mémoires qu’elle a reçus, minant ainsi la transparence de la consultation publique.

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