Des idées pour le 21e siècle ou des idées d’un autre siècle?
Organisé par le Parti libéral du Québec, le 4e Forum des idées pour le Québec est pompeusement présenté comme un « moment important de réflexion » sur les politiques sociales du 21e siècle, au cours duquel « le premier ministre est là pour vous écouter ». Pour avoir droit à ce privilège, vous devez toutefois vous inscrire à cette kermesse des idées progressistes au coût de 150 $.
Cet exercice de relations publiques a de quoi faire sourciller. Impossible en effet de rester de marbre devant les écarts évidents entre cette grande fiesta des « politiques sociales du 21e siècle » et les ravages récents et actuels des politiques d’austérité menées par le gouvernement. Vestiges d’un autre siècle, ces mesures d’austérité n’en finissent plus de malmener les programmes sociaux et les services publics du Québec.
Le prix de cette austérité? La rondelette somme de 3,3 milliards de dollars, dégagée en surplus budgétaire et déjà promise à de prochaines baisses d’impôt. Et maintenant que les efforts budgétaires sont faits, et que le filet social du Québec est troué de partout, il est bien sûr de bon ton de prétendre vouloir réfléchir aux politiques sociales du 21e siècle. À deux ans des élections, on ne pourra reprocher au gouvernement de ne pas avoir le sens du timing.
Revenons sur un dossier qui met en lumière le double discours du gouvernement au sujet de la lutte à la pauvreté. Depuis presque un an, le Collectif pour un Québec sans pauvreté, avec de nombreux alliés, lutte contre le projet de loi 70, qui représente rien de moins qu’un déni des droits humains, comme le soulignait la Commission de droits de la personne et des droits de la jeunesse en février dernier.
Avec ce projet de loi, le gouvernement menace de s’attaquer à la prestation de base des personnes qui refuseront de participer aux mesures d’employabilité prévues par le programme Objectif emploi. Ces personnes pourraient se retrouver avec un revenu mensuel aussi bas que 399 $. Il est tout simplement impossible de vivre avec ce montant de misère en 2016. Pourtant, il semble bien que le gouvernement du Québec trouve là une bonne « idée pour le 21e siècle ».
Comme cette question des pénalités sur la prestation de base est loin de faire consensus, le projet de loi 70 est à l’étude en commission parlementaire depuis des mois. Les partis d’opposition ont proposé de multiples amendements; la Coalition Objectif Dignité a pour sa part proposé un programme Objectif emploi « au service des gens » au ministre Blais cette semaine. Mais celui-ci refuse obstinément de céder quoi que ce soit, préférant ignorer les critiques et les appels au dialogue. Il refuse également de divulguer les études d’impact ou les données complètes qui pourraient permettre une meilleure compréhension des enjeux soulevés.
Cette attitude nous semble indigne d’un ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, qui aura vraisemblablement un rôle central à jouer dans la mise en œuvre « des politiques sociales du 21e siècle ». Pire encore, le premier ministre est même allé jusqu’à menacer d’adopter le controversé projet de loi sous bâillon. Décidément, il semble que le mode écoute ne soit requis que lors des galas à 150 $ le billet d’entrée.
Le peu d’égards du gouvernement pour le débat démocratique ainsi que la direction que prennent les travaux actuels sur l’aide sociale, mais aussi sur des dossiers comme le salaire minimum et le revenu minimum garanti, nous laissent craindre que le prochain plan d’action gouvernemental en matière de lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale ne soit qu’une coquille vide. Il n’est d’ailleurs pas anodin que le gouvernement ait refusé de tenir une commission parlementaire itinérante avec consultation générale en vue de l’élaboration de ce plan d’action.
La population est en droit de s’attendre à des avancées en matière de lutte à la pauvreté, aux inégalités et à l’exclusion sociale. Ce n’est pas d’un beau forum ou d’un nouveau slogan que le Québec a besoin, mais d’une action globale et concertée pour combattre la pauvreté, réduire les inégalités et contrer les préjugés envers les plus pauvres. Arrêter de couper les revenus des plus pauvres serait un premier pas.