Guignolée et fiscalité: À quand le renforcement du filet social ?
Aux quatre coins du Québec, des centaines de bénévoles ont récolté dans les dernières semaines, comme chaque année, des denrées et des fonds qui sont donnés à différentes banques alimentaires afin de répondre aux besoins grandissants. Alors que le Québec vient de dépenser 3,5 milliards de dollars dans l’envoi de chèques ponctuels dont pourront bénéficier des ménages gagnant plus de 200 000 $ par année et qu’il s’apprête à se priver de 7,4 milliards en quatre ans avec des baisses d’impôts, des centaines de milliers de personnes doivent chaque mois recourir à de l’aide alimentaire pour survivre.
La pandémie, la hausse du coût de la vie et la crise du logement ont récemment illustré une fois de plus les faiblesses du filet social québécois qui ne réussit pas à protéger adéquatement les plus vulnérables. La guignolée ne peut pas pallier l’insuffisance des politiques sociales, notamment en matière de lutte contre la pauvreté.
Les récentes promesses de baisses d’impôt occultent, quant à elles, complètement la nécessité de financer adéquatement le filet social. Fait étonnant, elles se font comme si la pandémie de COVID-19 n’avait pas révélé les immenses lacunes des services publics et des programmes sociaux.
Qu’il s’agisse de l’hécatombe dans les CHSLD, du délestage dans les hôpitaux, de la ventilation dans les écoles publiques, de la crise du logement et de l’itinérance, des difficultés d’accès aux services directs à la population de l’administration publique ou encore du sous-financement chronique du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques pour ne nommer que ça, l’échec du modèle néolibéral imposé au Québec depuis le début des années 1980 est pourtant patent.
Il est plus nécessaire que jamais d’engager au Québec une réelle réflexion sur une fiscalité véritablement progressive pour financer adéquatement et de manière pérenne le développement des programmes sociaux et des services publics. Ce débat est qui plus est indispensable afin de faire face à l’urgence climatique qui, on le sait, affectera en premier lieu les plus vulnérables. Dans ce contexte, il nous apparaît non seulement irresponsable de promettre des baisses d’impôts qui bénéficieraient aux plus riches de notre société (en plus de nous priver des ressources dont nous avons besoin), mais absolument urgent de mettre en place une fiscalité véritablement progressive.
Depuis plus d’une dizaine d’années, la Coalition main rouge soutient la nécessité de mieux financer les services publics et les programmes sociaux afin de répondre aux besoins de l’ensemble des citoyennes et des citoyens, particulièrement les plus démunis, en luttant pour réduire les inégalités sociales.
Les propositions de la Coalition Main rouge1 permettraient de recueillir près de 14 milliards de dollars supplémentaires, annuellement, pour améliorer les services publics et les programmes sociaux, réduire les inégalités socio-économiques, notamment celles entre les hommes et les femmes, et faire face au défi climatique. Ces 15 mesures permettraient notamment d’améliorer la progressivité de l’impôt et de rétablir un équilibre entre la fiscalité des particuliers et celle des entreprises. Par exemple, selon les calculs validés par des économistes, un impôt sur le patrimoine des 1 % les plus riches permettrait de collecter plus de 4 milliards de dollars.
Par ailleurs, l’établissement de neuf paliers d’imposition (plutôt que quatre actuellement) permettrait de récolter 2,5 milliards supplémentaires tout en réduisant l’impôt du quart des contribuables, c’est-à-dire des moins fortunés.
Alors que l’on sait que les plus riches ont abondamment profité de la pandémie et de l’inflation pour s’enrichir encore plus, il nous semble juste de leur demander de contribuer davantage à la réduction des inégalités sociales par le biais d’une fiscalité progressive. Nous osons même croire que plusieurs seraient d’accord, eux, si prompts à donner aux différentes œuvres caritatives pour se donner bonne figure et accumuler des réductions fiscales.
En cette période de guignolées, nous invitons la population à exiger du gouvernement qu’il fasse davantage pour lutter contre les inégalités sociales et mettre en œuvre des droits humains fondamentaux comme se loger, se vêtir, se nourrir et avoir un revenu décent.
* Cosignataires : Benoît Lacoursière, secrétaire général et trésorier, Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ-CSN) ; Mélanie Hubert, présidente, Fédération autonome de l’enseignement (FAE) ; Réjean Leclerc, président, Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN) ; Émilie Charbonneau, deuxième vice-présidente, Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) ; Karine Drolet, présidente, Réseau des Tables régionales de groupes de femmes du Québec ; Christian Daigle président général du Syndicat de la fonction publique et parapublique de Québec (SFPQ) ; Serge Petitclerc, porte-parole, Collectif pour un Québec sans pauvreté ; Tristan Ouimet-Savard, responsable de la mobilisation, Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA) ; Dominique Daigneault, présidente, Conseil central du Montréal métropolitain – CSN ; Audrey Hébert, Responsable de la mobilisation, Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ) ; Claude Vaillancourt, président, ATTAC-Québec, ; André Castonguay, directeur général, Réseau québécois des organismes sans but lucratif d’habitation (RQOH) ; Gaëlle Fedida, présidente de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles ; Sylvie Lévesque, directrice générale, Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec ; Marie-Andrée Painchaud, coordonnatrice, Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM) ; Julie Corbeil, coordonnatrice, Table régionale des organismes volontaires d’éducation populaire (TROVEP) de Montréal ; Pascal Florant, coordonnateur de Solidarité populaire Estrie