Montréal, le 9 décembre 1999 - Le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté a transmis
aujourd'hui à 200 personnes réunies à la Bourse de Montréal sa proposition de loi cadre pour éliminer la
pauvreté.
Le choix de la Bourse de Montréal pour la tenue de cet événement exprime que la lutte à la
pauvreté doit être l'affaire de l'ensemble de la société, qui doit en faire une priorité. Les personnes
déléguées par leurs réseaux se sont ensuite jointes à une caravane anti-pauvreté pour participer à une
séance de travail dans un centre d'éducation populaire du quartier Saint-Henri. Elles y ont préparé les
sessions parlementaires populaires qui doivent se tenir dans toutes les régions du Québec au cours des
prochains mois pour débattre de la Proposition du Collectif en vue de son adoption.
Depuis plus d'un an, une importante consultation a été menée partout au Québec pour que toutes
les personnes qui le voulaient puissent contribuer au contenu de cette proposition, en particulier celles qui
vivent une situation de pauvreté. Des milliers de personnes ont répondu à l'appel du Collectif : plus de
5000 suggestions ont été compilées, 20 000 commentaires ont été inscrits dans 425 cahiers de réponses.
C'est riche de toutes ces contributions que le Collectif a procédé à la rédaction de la proposition de
loi cadre présentée aujourd'hui par Vivian Labrie, Madeleine Caron et François Lamarche, porte-paroles du
Collectif.
La loi proposée par le Collectif
Il s'agit à la fois d'une loi cadre et d'une loi programme. Elle vise à mettre en place les cadres
permanents d'un Québec sans pauvreté. Elle décrit les dix premières années du programme d'élimination
de la pauvreté concertant l'action gouvernementale, ce qui inclut : des mesures urgentes, un premier plan
d'action après un an, un autre plan d'action après cinq ans et un plan cadre d'action permanente après dix
ans.
La loi prévoit l'implication citoyenne active de la population et en particulier celle des personnes en
situation de pauvreté et de leurs associations. Cette implication sera favorisée par l'accès à un fonds recherche attaché à ce Conseil sont aussi créés pour assurer la vigilance et la connaissance autour de
l'objectif poursuivi par la loi.
Les mesures urgentes visent un impact rapide là où les besoins sont les plus pressants :
appauvrissement zéro du cinquième le plus pauvre de la population, garantie des allocations de soutien du
revenu comme plancher de revenu intouchable, couverture progressive des besoins essentiels de tout le
monde sur trois ans, réalisation dans un bref délai du droit de chaque personne à des mesures volontaires
de formation et d'accès à l'emploi, hausse du salaire minimum. Les plans d'action subséquents visent à
atteindre progressivement sept objectifs concrétisés par des cibles définies par le Conseil.
Les sessions parlementaires populaires
Les 200 personnes réunies aujourd'hui à la Bourse de Montréal puis au CRCS Saint-Zotique ont
été déléguées par les organismes membres du Collectif, par les regroupements régionaux qui se sont
spontanément organisés depuis un an dans toutes les régions du Québec pour relayer l'action du Collectif
dans leur milieu et par divers secteurs de la société qui s'intègrent à leur tour dans le processus. D'ici le
17 mars 2000, elles organiseront des sessions parlementaires populaires pour présenter et débattre de la
Proposition du Collectif et pour voir comment la faire cheminer. Le Collectif compilera les rapports de ces
sessions et procédera ensuite aux dernières mises au point sur la Proposition de loi.
Une mobilisation sans précédent
L'idée d'une loi pour éliminer la pauvreté a d'abord été lancée à l'automne 1997, en pleine réforme
de l'aide sociale, par un groupe de Québec. Elle a donné lieu, depuis, à une mobilisation sans précédent.
Depuis 1998, un Collectif composé présentement de 18 organisations représentant de vastes
secteurs de la population québécoise (groupes populaires et communautaires, syndicats, groupes de
femmes, communautés religieuses et groupes chrétiens, intervenants et intervenantes communautaires,
coopératives) a pris le relais pour faire avancer l'idée de cette loi. Près de 130 000 personnes ont déjà
signé la pétition du Collectif réclamant une telle loi cadre et demandant à l'Assemblée nationale de recevoir
la proposition de loi que lui présentera le Collectif au terme du processus. Des centaines d'associations,
plusieurs CLSC, de plus en plus de villes et municipalités appuient l'idée et ce mouvement n'en est qu'à
son début.
Et ensuite?
En mettant en débat sa proposition un 9 décembre, le Collectif entend aussi marquer l'émergence
d'un mouvement citoyen actif dans l'esprit de la Déclaration du 9 décembre 1998 de l'Assemblée générale
des Nations unies sur «le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de
promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus».
S'il faut la considérer comme un document de travail en évolution, cette Proposition a été pensée
et rédigée le plus possible comme une vraie loi. Elle marque le début d'une étape citoyenne, pré-législative,
inusitée dans la coutume québécoise d'élaboration des lois : un temps de « Livre (ou)Vert » où une société
se donne le moyen de préciser le contenu d'une idée à laquelle elle croit avant d'en requérir la réalisation
auprès de son parlement.
Une fois la proposition débattue et son texte final adopté, le Collectif ira de l'avant de façon non
partisane auprès du gouvernement et des membres de l'Assemblée nationale du Québec. Alors, il faudra,
pour reprendre l'expression de René Lévesque : « Sortir. Parler. Convaincre.»
Pourquoi une loi pour éliminer la pauvreté ?
Lucien Paulhus, de Drummondville, a donné à sa manière une réponse lors d'une animation : «Je
suis une feuille à côté de l'arbre. Après la loi, je serai dans l'arbre. » Le Collectif estime qu'éliminer la
pauvreté, c'est urgent et c'est possible. Nous en avons les moyens. C'est principalement une question de choix de société. Une partie de la population n'arrive pas à couvrir ses besoins essentiels alors que le
Québec est une des sociétés les plus riches du monde, en croissance depuis plusieurs années. Vivre la
pauvreté au Québec, c'est faire l'expérience de l'exclusion. C'est vivre la violence d'avoir des droits
reconnus et de ne pas pouvoir les exercer dans la réalité. C'est dans bien des cas se retrouver plusieurs
jours par mois sans un seul dollar en poche.
Comme l'exprime le Préambule de la proposition de loi : « les personnes en situation de pauvreté
sont les premières à agir pour transformer leur situation et celle des leurs ». Mais elles ne pourront la
transformer durablement que si toute la société s'y met. Le néolibéralisme est en train de consacrer à
l'échelle de la planète des règles économiques axées sur les profits de quelques-uns et qui causent
directement la pauvreté croissante d'une partie des populations, en particulier les femmes.
En 1995, à Copenhague, les États du monde se sont engagés à éliminer la pauvreté. En 1996,
Boutros Boutros-Gali a exprimé l'état de la connaissance de solutions en déclarant que «la progression
éthique de l'humanité arrive lorsque les idéaux moraux amènent des obligations légales spécifiques». En
1997, les Nations unies ont ouvert une première Décennie pour l'élimination de la pauvreté et demandé
que chaque État s'investisse dans cette action nécessaire à la survie de l'humanité.
Paradoxalement, pendant ce temps, le Québec réalisait son objectif de déficit zéro en bonne partie
sur le dos des plus pauvres, qui ont le plus souffert des restrictions budgétaires en perte de revenus et de
services. Devant la perspective de surplus, les deux paliers de gouvernement se sont engagés à réduire
les impôts. Réduire les impôts, dans l'état actuel de la fiscalité québécoise, c'est faire exprès pour
augmenter les inégalités dans la société, puisque, avec ou sans emploi, les personnes qui sont trop
pauvres pour payer de l'impôt ne verront pas leur revenu augmenter.
On ne peut pas à la fois proclamer l'égalité et augmenter consciemment les inégalités.
Yvette Muise, de Québec, a exprimé cette préoccupation par ces mots : « Il faut rêver logique ». Rêver
logique, c'est considérer que l'équilibre de l'ensemble de la société est favorisé quand la pauvreté est
éliminée et c'est se donner les moyens de le faire. Une loi pour éliminer la pauvreté est un moyen de
traduire une volonté commune en obligation légale spécifique. Elle permettra de se donner une priorité et
des objectifs clairs, de concerter l'action gouvernementale pour réaliser ces objectifs et de suivre
attentivement le processus. Elle est désormais réclamée par des milliers de personnes qui, au Québec,
refusent de cautionner davantage des inégalités inacceptables et qui estiment nécessaire une telle action.
On peut se procurer le texte de la Proposition et les outils d'animation en s'adressant au Collectif
pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, C.P. 1352 Terminus, Québec (Québec), G1K 7E5.
Téléphone: (418) 525-0040. Télécopieur: (418) 525-0740. Courrier électronique: pauvrete@clic.net. Faisons-là cette loi, et ça se fera!