Projet de Règlement sur l’aide aux personnes et aux familles

Un plafond et un plancher trop bas

Québec, 3 octobre 2006 - Le projet de Règlement sur l’aide aux personnes et aux familles ne constitue en rien un pas vers l’objectif adopté unanimement par l’Assemblée nationale de faire du Québec l’une des nations comptant le moins de personnes en situation de pauvreté d’ici 2013. Faisant écho aux avis présentés au ministère de l’Emploi et de Solidarité sociale (MESS), le Collectif pour un Québec sans pauvreté, le Regroupement des Auberges du cœur du Québec (RACQ) et le Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ), en présence d’autres groupes interpellés par la question, déplorent une autre occasion manquée d’améliorer sensiblement les conditions de vie des personnes en situation de pauvreté. Pour que ce projet de Règlement soit acceptable, il faudrait y apporter plusieurs ajouts et modifications.

Une impression générale

Les personnes visées par la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles, et plus particulièrement les personnes jugées aptes au travail, se retrouvent coincées entre une prestation plancher trop basse (50 % du barème) et une prestation plafond (le barème) qui ne couvre pas les besoins essentiels. Autant dire qu’elles sont maintenues dans une cave où il n’y a que très peu d’air pour respirer. « Plus de trois ans après l’adoption de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, on doit encore se battre pour maintenir le pouvoir d’achat déjà largement insuffisant des personnes parmi les plus pauvres de notre société », déclare Jean-Pierre Hétu, porteparole du Collectif. L’assouplissement de certaines des règles ne peut en rien justifier le non respect du droit à un revenu décent et à des conditions de travail justes sans oublier le droit à une formation qualifiante.

Les modifications souhaitées

Le projet de Règlement brille par ce qu’il aurait pu faire et qu’il ne fait pas : l’ajout d’une clause d’indexation complète annuelle en fonction du coût de la vie; l’instauration d’un barème plancher qui couvre les besoins essentiels et qui ne peut être coupé pour aucune raison et l’exemption totale de la pension alimentaire reçue pour un enfant du calcul de la prestation.

Les aspects négatifs

Ce projet de règlement comprend certains éléments négatifs : l’exclusion explicite des revenus de soutien (RRQ, CSST, SAAQ etc.) de la définition des revenus de travail; l’exclusion de programmes et mesures de certaines lois du travail; le passage de la notion de contrainte temporaire de la Loi au Règlement et l’augmentation du temps de garde requis (de 20 % à 40 %) pour qu’un enfant soit considéré à charge d’un parent.

Par ce projet de règlement, le gouvernement, en multipliant les programmes, se donne le pouvoir d’élargir davantage le fossé entre les pauvres en les catégorisant. Selon Nicole Jetté, porte-parole du FCPASQ : « Le choix de maintenir la demi-indexation et la pénalité dite « solidarité familiale » pour les personnes et les familles relevant du Programme d’aide sociale, ceux d’élargir l’écart entre les personnes relevant du Programme solidarité sociale et celles relevant du Programme d’aide sociale et de cloisonner les jeunes du Programme alternative jeunesse dans une zone de non-droit démontrent comment le gouvernement décide de répartir la pauvreté et non la richesse. »

Le gouvernement justifie l’instauration de programmes spécifiques, dont Devenir, comme Programme d’aide et d’accompagnement social en prétendant vouloir répondre aux besoins particuliers de certaines catégories de personnes à l’aide sociale. Selon la porte-parole du FCPASQ : « Devenir, voilà du copier-coller du défunt Programme Extra; cela marque le retour en force du "workfare" ». Les personnes ou les familles admises à un programme spécifique auront très peu de droits, car la plupart des règles de ces programmes seront déterminées par des normes administratives selon des ententes spécifiques, à la discrétion de la ministre… Le prix à payer est disproportionné tant pour les moins de 25 ans que pour les personnes qui n’auront d’autre choix que le recours à divers programmes afin de manger et de payer leur loyer.

Le discours gouvernemental valorise le Programme Alternative jeunesse en affirmant haut et fort que la participation sera volontaire et que la contribution parentale ne sera pas appliquée. Le calcul d’une contribution parentale, parce qu’il est injuste, devrait être aboli pour tous les jeunes. Le programme Alternative jeunesse ne répond pas aux besoins des jeunes. Il propose exactement la même approche que le projet Solidarité jeunesse, créé (et imposé) en 2000, sous le précédent gouvernement. Visant l’insertion en emploi ou le retour aux études à court terme, il interdit aux jeunes toute marge de manœuvre pour faire des choix et les pousse vers des emplois précaires et mal rémunérés. Il s’inscrit dans un plan de convergence des services, se résumant à faire davantage sur leur dos ce qui n’a pas marché jusqu’à présent, tout en leur demandant de se débrouiller pour survivre avec 580 $ par mois.

La dernière évaluation du projet Solidarité jeunesse (2006) souligne que la majorité des jeunes participantEs n’ont guère amélioré leurs revenus en bout de piste. Ils et elles connaissent de fréquents allers-retours entre le travail et l’aide sociale. Par ailleurs, le moindre de ces allers-retours risque à tout coup d’annuler tous leurs efforts des derniers mois ou des dernières années, faute de prestations couvrant les besoins essentiels. Ces prestations supposent également une vie sociale nulle et un accès nul à la culture, aux loisirs et à toute forme de vie intellectuelle le moindrement constituée. Pour nos jeunes, en l’absence d’un salaire minimum décent et de meilleures conditions de travail, l’insertion en emploi n’est donc pas la solution à tous les problèmes.

« Les responsables au MESS méconnaissent-ils la situation réelle des milliers de jeunes adultes que nous accueillons et accompagnons chaque année ou ont-ils tout simplement pris les moyens de les forcer à vivre en marge de la société? », se questionne François Labbé du Regroupement des Auberges du cœur du Québec.

Les aspects positifs

Certaines mesures sont généralement positives, comme l’augmentation de la valeur exemptée d’une maison qui passe de 80 000 $ à 90 000 $ et d’une automobile qui passe de 5 000 $ à 10 000 $. Cependant, dans les faits elles ne s’appliquent qu’aux personnes qui arrivent à l’aide sociale ou reçoivent un héritage, puisqu’avec une prestation qui ne couvre pas les besoins essentiels il est impossible de générer de l’épargne et donc de faire de tels achats. Mentionnons également l’assouplissement des règles pour certains programmes, sauf pour les personnes jugées aptes au travail qui ont les plus basses prestations. Toutefois, en basant ces assouplissements sur l’aptitude présumée au travail, on renforce encore les préjugés alors que comme l’a si bien dit Richard Lavigne de la Confédération des Organismes de Personnes Handicapées du Québec, lors des auditions de la commission parlementaire sur le projet de Loi sur l’aide aux personnes et aux familles : « Il n’y a pas deux sortes d’humains. »

Une omission grave

Le Comité consultatif sur la pauvreté et l’exclusion sociale, créé par la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale pour conseiller le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, n’a pas été consulté sur ce Règlement qui a une très grande importance pour les personnes en situation de pauvreté de notre société.

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Créé le3 octobre 2006
Dernière modification19 août 2015

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