Il n'y a aucun compromis à faire avec un gouvernement qui coupe les vivres aux plus pauvres et qui s'obstine comme un mégalomane en déroute à promettre des baisses d'impôt malgré un désaveu qui se généralise jusqu'à ses supporteurs habituels. Ce gouvernement, celui du Québec, est en infraction par rapport à la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Il n'a pas le droit de prendre aux pauvres. Il n'a certainement pas plus le droit de le faire pour donner aux riches.
Ni reculs...
Depuis un an, le gouvernement du Québec a coupé 58 M$ à l'aide sociale et 103 M$ à l'aide financière aux études. Dans le premier cas, il est allé chercher 14 M$ en n'indexant qu'à moitié les prestations du deux tiers le plus pauvre des personnes assistées sociales en janvier dernier et 44 M$ en modifiant le règlement de l'aide sociale pour imposer de nouvelles restrictions très humiliantes pour les personnes. Ceci sans compter les coupes dans l'aide à l'emploi. Il s'apprêterait, a-t-on appris la semaine dernière, à couper 150 M$ de plus à l'aide sociale. Dans le cas de l'aide aux études, il est allé, comme on sait, augmenter l'endettement étudiant en transformant la majorité des bourses en prêts.
Aucune de ces décisions n'est recevable au titre de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale qui spécifie clairement aux articles 6, 9, 14 et 17 que le gouvernement a désormais l'obligation d'améliorer les revenus et les conditions de vie de l'ensemble des personnes en situation de pauvreté. Elle impose à l'article 4 d'agir en sorte de rejoindre en dix ans les rangs des nations industrialisées où il y a le moins de personnes pauvres. Deux ans sont déjà écoulés, pendant lesquels le gouvernement a éloigné le Québec de cet objectif.
... ni baisses d'impôts !
Quant aux baisses d'impôt, rappelons qu'elles ont comme effet inévitable d'augmenter les écarts nets entre des plus riches et des plus pauvres. Il n'en revient rien à ceux et celles qui ne paient pas d'impôt. La classe moyenne y perd plutôt au change. Les montants ne sont substantiels qu'en haut de l'échelle des revenus, là où les besoins de base sont comblés. Et les finances publiques sont privées ensuite de façon récurrente d'un revenu qui doit être affecté au bien commun.
La Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale énonce comme un de ses buts à l'article 6 de réduire les inégalités qui peuvent nuire à la cohésion sociale. Or selon les chiffres mêmes du ministère des Finances, le cinquième le plus riche des familles québécoises a vu son revenu brut moyen passer de 100 333 $ à 121 560 $ et son revenu net moyen passer de 72 255 $ à 87 016 $ de 1997 à 2000. Cela veut dire que ces familles ont connu en quatre ans une amélioration moyenne de leur revenu disponible d'environ 14 761 $, l'équivalent d'un salaire minimum net, ceci pendant que les revenus des autres cinquièmes stagnaient. Les baisses d'impôt qui sont venues ensuite n'auront eu de véritable impact que pour ces mêmes ménages. Elles privent par contre désormais les finances publiques du Québec de 3,5 G$ par année sur un budget d'environ 57 G$. Et il faudrait, pour satisfaire à des promesses démagogiques, en remettre encore plus sur la pile dans le prochain budget ? Et le faire en prenant à des personnes à l'aide sociale qui ruinent leur santé et leur vie à survivre avec 6300 $ par année ou à des étudiantEs qui s'endetteraient pour encore plus d'années ?
S'objecter carrément aux infractions et aux écarts croissants
En faisant pression sur les étudiantEs pour qu'ils lui fassent des propositions à moins de 103 M$, le ministre de l'Éducation trompe tout le monde en donnant l'impression que la solution juste du présent soulèvement étudiant, admirable dans la solidarité exprimée par le grand nombre des étudiantEs avec leurs collègues les plus pauvres, relève du domaine de la négociation et du compromis. De même, il n'y a pas lieu de répondre à ce jeu pervers du gouvernement en cherchant des aménagements dans les baisses d'impôt promises. Celles-ci ne doivent tout simplement pas avoir lieu.
Le gouvernement est en infraction, c'est donc à lui de réparer ses erreurs. Les étudiants et étudiantes, les personnes à l'aide sociale, les citoyens et citoyennes qui les appuient n'ont rien à céder sur les reculs à réparer. Le gouvernement doit remettre les millions qu'il a pris aux étudiants et aux personnes assistées sociales. Il doit améliorer, tel que la loi le lui demande, les conditions de vie faites aux plus pauvres. Il doit logiquement maintenir un niveau d'imposition des particuliers et des entreprises qui lui permette de réaliser les protections sociales auxquelles la loi l'engage.
La lumière rouge est allumée depuis l'automne dernier. Les parlementaires du Québec savent très bien de quoi il s'agit. Les premiers carrés rouges sont apparus lors de la présentation du mémoire du Collectif pour un Québec sans pauvreté le 5 octobre 2004. Il s'agissait alors d'allumer très visiblement la lumière rouge devant un ministre responsable d'une réforme de l'aide sociale et de coupures qui mettaient les plus pauvres encore plus dans le rouge. Puis les clignotants rouges se sont répandus dans les divers événements qui se sont succédés pour signaler un refus général de ces mesures. Les étudiants et étudiantes ont pris le relais après les Fêtes pour dénoncer des coupures qui les mettent carrément dans le rouge.
Le budget du Québec s'en vient.
Le gouvernement du Québec doit maintenant comprendre le message, réparer sans condition ses erreurs et observer la loi. Sinon il va continuer de rendre le Québec ingouvernable. La dignité ne se négocie pas. La solidarité envers les plus pauvres est, aux termes de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, un impératif national. Devant un gouvernement qui refuse de le comprendre un geste devient nécessaire : l'objection. Chaque personne qui le veut peut allumer à son tour la lumière rouge et manifester son objection en la rendant visible. Faisons-le. Carrément.
Vivian Labrie, Collectif pour un Québec sans pauvreté, le 29 mars 2005