Québec, le lundi 11 décembre 2000 - Dans une lettre ouverte diffusée aujourd'hui, le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté revient sur les critiques de Lucien Bouchard relativement à sa proposition de loi et lui pose la double question : " la volonté politique est-elle là, oui ou non, pour créer les conditions d'un Québec sans pauvreté et s'y engager par une loi qui le confirmerait durablement ? " Le Collectif annonce aussi qu'il se positionnera en vue du prochain budget du Québec.
Vivian Labrie signe cette lettre par laquelle le Collectif réplique aux propos tenus par le président du Parti québécois lors du dernier Conseil national de sa formation politique. Le Collectif signale au Premier ministre qu'il évite " le véritable débat en utilisant des mesures précises de la proposition de loi pour dénigrer le principe même d'une loi cadre ". Il lui rappelle d'ailleurs que des parlementaires de tous les partis politiques siégeant à l'Assemblée nationale ont pris position en faveur d'un tel principe et qu'il attend toujours une réponse officielle de sa part.
Convaincu qu'une simple stratégie de lutte à la pauvreté, telle que préconisée par le gouvernement, ne suffira pas à la tâche, le Collectif insiste sur la nécessité d'une loi cadre pour obtenir des résultats significatifs et durables. " Ce moyen s'impose pour nous afin de garantir une lutte efficace à la pauvreté en raison, notamment, de son caractère permanent, qui survit aux changements de gouvernement, et en raison de l'importance des changements à mettre en œuvre. "
Dans cette lettre, Mme Labrie reconnaît l'aspect contraignant de la proposition de loi du Collectif " qui ferait qu'aucune administration ne pourrait se soustraire à son obligation de faire de la lutte à la pauvreté une priorité et de rencontrer les principes et objectifs mis de l'avant. " Elle insiste, cependant, sur les " amples marges de manœuvres " que la proposition laisse aux gouvernement en raison de l'approche " évolutive et évaluative " dans ses plans d'action successifs.
" Quant à vos affirmations à l'effet que le Conseil préconisé dans notre proposition de loi s'arrogerait un pouvoir qui doit relever des élu-e-s, elles sont irrecevables, et vous le savez aussi bien que nous, parce que le malentendu relatif à la formulation de l'article qui portait à confusion a été dissipé au moins trois fois ", explique Mme Labrie en faisant référence à des rencontres tenues avec le caucus du Parti québécois, le Premier ministre lui-même et plus tard avec son chef de cabinet.
Le prochain budget du Québec
De plus, le Collectif annonce au Premier ministre qu'il est disposé à discuter des impacts budgétaires des mesures urgentes préconisées par sa proposition de loi. Dans cet esprit, la large coalition d'organismes québécois annoncera dans quelques semaines sa position en vue du prochain budget du Québec et sollicite une rencontre pré-budgétaire auprès du ministre des Finances, Bernard Landry.
Le Collectif souligne à Lucien Bouchard, que, malgré les succès économiques récents du Québec, " force est d'admettre que le niveau d'effort actuel ne suffit pas ", que " les inégalités s'accroissent [et que] le cinquième le plus pauvre de la population ne participe pas à la prospérité ". Il considère qu'il y là " un test pour le caractère distinct du Québec et pour la concrétisation des convictions que cela suppose au plan de la justice sociale. "
" Tant que la pauvreté sera un obstacle à la réalisation des droits de centaines de milliers de Québécoises et de Québécois, poursuit Mme Labrie, la responsabilité et le réalisme dicteront des mesures vigoureuses et courageuses, parce qu'en bout du compte, c'est l'ensemble de la société qui fait les frais de la précarité d'une partie de sa population. Nous souhaitons que la période de Noël qui commence, avec les contrastes d'abondance et de privations qui la caractérisent, soit propice aux prises de consciences nécessaires."
Le 22 novembre dernier, le Collectif a déposé à l'Assemblée nationale une pétition de 215 307 noms en faveur de sa démarche. Le Collectif est constitué de 23 organisations communautaires, syndicales, féministes, religieuses, étudiantes et coopératives. Il a développé sa proposition de loi à partir d'une consultation populaire sans précédent qui a impliqué la participation de milliers de citoyennes et de citoyens dont un grand nombre est directement touché par la pauvreté.