Québec, le jeudi 17 octobre 2000 - L'adoption d'une motion pour souligner la Journée internationale de l'élimination de la pauvreté, aujourd'hui à la rentrée parlementaire, a donné lieu à un débat en Chambre entre les partis au cours duquel il a été question de la réponse gouvernementale aux revendications de la Marche mondiale des femmes et de la proposition de loi du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté.
" Nous apprécions que l'ensemble des partis aient pris la parole pour souligner la Journée internationale de l'élimination de la pauvreté ainsi que l'impact de la Marche mondiale des femmes de l'an 2000, qui culmine aujourd'hui à New York ", a indiqué Vivian Labrie, porte-parole du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, suite à la rentrée parlementaire.
" Au moins il y a eu débat, a souligné Emilia Castro, porte-parole de la Marche mondiale des femmes. D'ailleurs, le gouvernement n'aurait pas pu passer à côté, aujourd'hui, vu l'importante mobilisation des derniers jours dans le cadre de la Marche mondiale des femmes ".
Mmes Labrie et Castro assistaient aujourd'hui à la reprise des travaux à l'Assemblée nationale en compagnie de Martine Brassard. Elles attendaient une déclaration du premier ministre Lucien Bouchard sur la question de la lutte à la pauvreté. L'avis de motion de ce dernier a suscité des déclarations de l'ensemble des formations représentées en chambre. Les porte-parole ont toutefois constaté qu'il reste beaucoup de chemin à faire pour tenir un tel débat au niveau non partisan qu'il mérite
Les paroles ne suffisent pas
Les trois femmes estiment que les paroles ne suffisent pas. Elles veulent des résultats et invitent ardemment les parlementaires, et plus particulièrement le gouvernement, à être conséquents en mettant en place rapidement des mesures concrètes et décisives pour améliorer la situation des personnes les plus pauvres dans la société.
D'ailleurs, les réponses décevantes du gouvernement aux revendications de la Marche mondiale des femmes ont fait se demander à Martine Brassard, qui vit la pauvreté, si les membres de l'Assemblée nationale "étaient vraiment en faveur de nous aider ". " Ils en parlent et ils lisent leurs lignes, c'est tout. Ils n'écoutent pas le peuple", a-t-elle déploré.
Les interventions des partis
En présentant sa motion, Lucien Bouchard a fait allusion au manque de ressources pour résoudre à court terme les multiples causes de la pauvreté. À ce sujet, le Collectif fait remarquer qu'une importante ressource est immédiatement disponible. En préparant sa proposition de loi sur l'élimination de la pauvreté, il a réuni en deux ans une expertise manquante au gouvernement, celle de milliers de personnes en situation de pauvreté ou non et de nombreuses organisations sur le terrain.
"Si le Premier ministre est sérieux, il doit voir à ce que les rencontres de clarification dont nous avons convenu aient lieu dans les plus brefs délais, a fait valoir Mme Labrie. La proposition de loi que nous mettons de l'avant fait partie de la solution. Elle ajoute à la compréhension de ce qui cause la pauvreté et de ce qui peut la résoudre. Ce serait un immense gaspillage de s'en priver."
En ce sens, c'est l'intervention du chef de l'Action démocratique du Québec, Mario Dumont, qui a le plus marqué le type d'accueil attendu par le Collectif de la part des parlementaires québécois. En effet, M. Dumont a annoncé l'intention de sa formation d'approfondir sa réflexion à partir du travail et de la proposition du Collectif et de pousser l'Assemblée nationale à faire de même.
"Je pense qu'on pourrait se rejoindre, a-t-il déclaré, sur l'idée que lorsque des dizaines, des centaines de milliers de citoyens font une démarche, travaillent, obtiennent des signatures, ils puissent devenir des citoyens législateurs." Cette déclaration est bienvenue à quelques semaines du dépôt d'une pétition de plus de 200 000 signatures réclamant que les membres de l'Assemblée fassent exister une loi-cadre sur l'élimination de la pauvreté sur la base de la proposition mise de l'avant par le Collectif.
Quant au parti de l'Opposition officielle, ses interventions en faveur d'une politique globale de lutte contre la pauvreté et son encouragement au Collectif dans la poursuite de son travail auraient laissé les porte-parole du Collectif et de la Marche moins froides si son chef, Jean Charest n'avait pas désapprouvé la déjà très minime hausse de 0,10$ du salaire minimum annoncée par le gouvernement aux représentantes de la Marche la semaine dernière, position qui enlève beaucoup de crédibilité aux propos tenus aujourd'hui.
Des revendications qui restent sur la table
Pour le Collectif, la Marche et les milliers de personnes qui se sont mobilisées au cours des dernières semaines, l'Assemblée nationale et le gouvernement doivent arrêter de se retrancher comme cela a été fait aujourd'hui derrière des arguments comme le salut par la croissance économique, un argument que vient d'ailleurs de rejeter la Commission des droits de la personnes du Québec. Il est abusif de mettre toute la faute sur le fédéral. Ce dernier est clairement responsable d'une part importante du problème et doit être interpellé, mais ça ne doit pas empêcher le Québec d'agir. De même, placer la solution dans le développement local et régional, où il se fait du bon travail, ne règle en rien des questions comme la fixation du salaire minimum ou de la sécurité du revenu.
"Nous allons rester terriblement mobilisées, avertissent les deux porte-parole. Le prochain budget, c'est maintenant qu'il se prépare et il serait intolérable qu'il ne donne pas effet à ces mesures qui ont un grand caractère d'urgence pour les personnes qui sont aux prises avec des situations dramatique de survie quotidienne. La direction à prendre au plus vite, c'est la réduction des écarts entre riches et pauvres. Et avec les surplus dans les finances publiques, les moyens sont plus que là."