Québec, le 15 juin 2001. Réagissant à l'annonce de la stratégie gouvernementale de lutte à la pauvreté, le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté constate que la révolution promise par le premier ministre n'est pas au programme. De même il constate le peu de cas fait de l'importante mobilisation qu'il a déjà lui-même effectuée et y voit un manque de respect du travail citoyen déjà fait. Par un manque d'économie flagrant, le gouvernement choisit de repartir à zéro une consultation sur sa propre base. Alors que le Collectif proposait une case départ.
Face à cette surdité chronique, le Collectif répond que son réseau est plus déterminé que jamais à faire valoir son point de vue non seulement au gouvernement, mais aussi à l'ensemble de la société, qui comprend de plus en plus le sens de son travail. "Le gouvernement veut une mobilisation, a déclaré Vivian Labrie, porte-parole du Collectif, il va en avoir une, mais à notre façon. Il peut être sûr qu'on va réagir, à travers sa consultation et à notre manière. Et on peut vous dire qu'on a beaucoup d'imagination."
Rien de bien neuf
Pour le Collectif, cette sortie très médiatisée de trois ministres qui n'annonce rien de bien neuf, c'est l'histoire d'un rendez-vous qui n'a pas encore eu lieu.
" Il faut reconnaître que le gouvernement met beaucoup d'énergie depuis quelques mois pour affirmer l'importance nouvelle qu'il accorde au problème de la pauvreté. Mais il n'aura pas travaillé avec nous sur ce qu'on propose avant de sortir et ça paraît. Pour l'essentiel, il continue à faire ce qu'il fait déjà en matière de lutte à la pauvreté et il le met dans un document. Le problème, ce n'est pas ce qu'il y a dans le document, c'est ce qui manque", analyse Vivian Labrie, porte-parole du Collectif.
Pour leur part les milliers de personnes appuyées de milliers d'organisations consultées dans toutes les régions du Québec par le Collectif ont dit ce qu'elles voulaient : une stratégie globale encadrée par une loi fondée sur les droits avec des obligations de résultat et des mesures immédiates qui améliorent directement les conditions de vie des personnes pauvres.
Une loi n'est pas exclue, mais il va falloir paver le chemin avant
Le Collectif prend note que les orientations annoncées dans le document ministériel n'excluent pas une éventuelle loi du type de celle qu'il propose, mais qu'il va falloir paver le chemin avant. En effet ces orientations se limitent à un cadre connu qui restera insuffisant pour aborder la question de la pauvreté dans toute son ampleur.
Bien qu'un lien soit fait entre développement social et développement économique durable, le discours reste axé sur la croissance économique et sur l'incitation à l'emploi. L'approche en est encore une de contrôle social. Pourtant le problème n'est pas de motiver des personnes pauvres pour qu'elles veuillent travailler : elles sont les premières à vouloir s'en sortir. Par contre le document est silencieux sur les causes de la pauvreté, sur la situation des travailleuses et travailleurs pauvres, sur la qualité de leurs emplois, sur la responsabilité du système économique actuel, y compris à travers l'usage des finances publiques, face à la croissance des écarts entre riches et pauvres. Silence aussi sur la notion de droits qui sont reconnus et que la pauvreté empêche de réaliser. "Serions-nous dans une société de droits, sauf pour les pauvres, se demande, Vivian Labrie? Tant que ces difficiles questions ne seront pas posées la lutte à la pauvreté restera illusoire. Et nous entendons bien les poser et les reposer, jusqu'à ce qu'on ne puisse plus passer à côté! "
Des mesures immédiates qui laissent en plan des priorités réclamées par des milliers de personnes
Le Collectif a également examiné les annonces du jour à la lumière de leur impact direct sur le revenu et les conditions de vie des personnes en situation de pauvreté. Ces mesures, qui se limitent à l'utilisation éventuelle de la réserve de 100 MS, déjà annoncée dans le dernier budget laissent en plan des priorités réclamées depuis des mois de toutes part. Bien sûr, certaines ouvertures sont faites du côté du logement social et il faudra les saluer quand elles seront officielles.
Quant aux mesures annoncées du côté de l'aide alimentaire, le Collectif fait remarquer que même les banques alimentaires visent à devenir inutiles un jour parce que les gens auront enfin un revenu décent. Une question se pose : alors qu'on est prêt à donner des petits déjeuners aux enfants dans les écoles, pourquoi n'est-on pas prêt à améliorer le revenu des parents pour qu'ils puissent alimenter correctement leurs enfants?
À ce sujet, rien dans les annonces ni dans les orientations, qui aille dans le sens de ce que le Collectif, ses organisations membres et son réseau, réclament depuis des mois : rien sur l'amélioration des allocations familiales, rien sur le barème plancher, rien sur la gratuité des médicaments, rien sur une hausse éventuelle du salaire minimum. Même l'abolition de la coupure de partage de logement, pourtant promise deux budgets plus tôt, n'est pas annoncée. Que sont les 35 M$ indirects annoncés aujourd'hui, face aux 3,8 milliards $ récurrents auront été retournés en deux ans en revenus directs au 60% de la population en mesure de payer des impôts? Ne pas répondre à cette question, c'est laisser augmenter les écarts.
Une consultation qui reste à préciser
Le Collectif participera à la consultation annoncée, mais il se réserve sur les moyens qu'il entend prendre avec son réseau pour s'assurer qu'elle devienne une occasion d'avancer dans la direction voulue.
"On risque d'entendre à l'automne de multiples voix sur un même message", prévient Vivian Labrie.
Par ailleurs le Collectif, qui préconise depuis le départ une approche non partisane de la lutte contre la pauvreté, s'interroge sur le fait d'associer à la démarche un comité formé uniquement de députés ministériels, alors qu'un tel enjeu commanderait d'y associer l'ensemble des parlementaires.