Québec, le jeudi 18 janvier 2001 - Le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté a rendu publique aujourd'hui sa plate-forme en vue du prochain budget du Québec. Tout en continuant de réclamer une loi cadre sur la base de sa proposition le plus vite possible, le Collectif demande des actions dès maintenant et veut un budget qui marque des pas vers un Québec sans pauvreté. Il a sollicité une rencontre avec le ministre des Finances, Bernard Landry et entreprend une tournée provinciale d'information sur sa plate-forme budgétaire.
Prenant sa proposition de loi comme référence, le Collectif réclame que le budget 2001-2002 en applique les principes et mesures urgentes, lesquelles font d'ailleurs écho aux revendications de la Marche mondiale des femmes en matière de lutte à la pauvreté. Sa plate-forme budgétaire est cooptée par ses membres.
La plate-forme budgétaire du Collectif
Suivant les trois principes de sa proposition, le Collectif demande donc un budget "qui inscrive la lutte à la pauvreté comme priorité" et "qui ait pour effet global de réduire les écarts entre le cinquième plus riche et le cinquième plus pauvre de la population". Il exhorte le ministre Landry à assurer dans les mécanismes prébudgétaires de son ministère "un niveau d'écoute des personnes en situation de pauvreté et de leurs associations comparable à celui qui est accordé aux représentants du cinquième le plus riche de la population". Enfin, le budget devrait donner effet aux mesures immédiates préconisées dans la proposition du Collectif.
Ces mesures supposent l'application du principe d'appauvrissement zéro à l'ensemble du cinquième plus pauvre de la population. Elles comprennent l'instauration d'un barème plancher à l'aide sociale (100M$) qui empêcherait de couper une prestation de base sous le seuil de couverture des besoins essentiels, un niveau qui n'est pas atteint par les prestations actuellement, de même que la hausse de l'ensemble des prestations d'aide sociale au niveau qui est reconnu pour les personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi (475M$). Cette double mesure est nécessaire et particulièrement urgente pour assurer la couverture des besoins essentiels de toutes et tous. Le Collectif veut le retour à la gratuité des médicaments pour les personnes à l'aide sociale et les personnes âgées à faible revenu (30M$) et le rétablissement du niveau d'investissement de 1997 dans les mesures de formation, d'insertion et d'intégration à l'emploi (160M$). Il réclame également l'amélioration de l'allocation familiale (coût selon les aménagements fiscaux) et la construction de 8000 logements sociaux (200M$ pour la part du Québec).
Vivian Labrie, porte-parole du Collectif, a rappelé que pour le cinquième le plus pauvre de la population, le revenu disponible moyen se situait à 6 312$ annuellement pour les personnes seules et à 15 753$ pour les familles, selon les statistiques les plus récentes de l'Institut de la statistique du Québec. "Peut-on refuser d'agir pour améliorer le revenu de cette partie de la population, alors qu'on n'a aucun problème à le faire à l'autre bout de l'échelle des revenus? Seulement avec ce qui a déjà été annoncé au Québec et à Ottawa, un ménage de 2 adultes, 2 enfants, au revenu annuel de 100 000$, un revenu moyen pour le cinquième le plus riche de la population, va se retrouver avec 2 727$ nets de plus en l'an 2000 suite aux dernières baisses d'impôt et avec au moins 4 469$ de plus en 2004. C'est creuser à même les fonds publics les écarts entre plus riches et plus pauvres et c'est inacceptable !" s'insurge-t-elle.
Le Collectif convient qu'une loi cadre sur l'élimination de la pauvreté impliquera des coûts, mais il argumente, tout comme l'a fait Centraide Québec l'automne dernier dans son rapport "Une société qui se tire dans le pied", que ne pas le faire coûtera encore plus cher. Il rappelle que les moyens sont là, mais que les gouvernements, tant québécois que fédéral, ont choisi plutôt d'augmenter les écarts nets de plusieurs milliards $ entre riches et pauvres en affectant leurs surplus à d'importantes baisses d'impôt sans mesures comparables pour le 40% de la population que ne paie pas d'impôt.
"Le gouvernement du Québec a beau reconnaître le problème de la pauvreté, il a beau dire qu'il va s'inspirer de certains principes de notre proposition pour la stratégie de lutte à la pauvreté qu'il préconise à la place, en rejetant la loi cadre, que nous avons élaborée avec des milliers de personnes, le gouvernement en évite déjà un principe, qui veut que les personnes en situation de pauvreté et leurs associations soient associées à la conception des politiques de lutte contre la pauvreté", rappelle Vivian Labrie. En effet, une lettre du cabinet de Lucien Bouchard a confirmé au Collectif juste avant Noël les propos du premier ministre lors du dernier Conseil national du Parti québécois, à l'effet que le gouvernement n'avait pas l'intention d'aller de l'avant avec une loi cadre. "Les deux autres principes ont des incidences budgétaires. La balle est donc dans le camp de Bernard Landry", poursuit-elle en s'étonnant de cette fermeture alors même que l'idée d'une loi cadre fait son chemin parmi les parlementaires et dans l'opinion publique.
Écouter les plus pauvres
Parlant en connaissance de cause, Lucie Gignac, une cheffe de famille monoparentale en situation de pauvreté, a insisté sur l'importance d'inclure les personnes pauvres dans la prise de décision budgétaire, afin que leur point de vue soit pris en compte et influence les décisions. "Même si nos revenus sont négligeables, nous contribuons, nous aussi à la richesse et à l'économie. Et les dépenses que le gouvernement ne fait pas, c'est notre vie et celle de nos enfants qu'elles mettent en déficit. Mais comme ça ne paraît pas en dollars, même avec la meilleure volonté du monde, le ministre et ses fonctionnaires peuvent difficilement tenir compte de cette réalité s'ils ne l'ont pas constamment sous les yeux. Ils ne devraient pas se priver de cette expertise."
Du panier de Noël au panier fiscal
L'annonce de ces demandes s'est également faite en présence d'Élaine Côté, directrice de Moisson Québec, qui a témoigné de l'existence d'une très réelle pauvreté au Québec. Elle a souligné le fait que "cette année encore, les gens de Québec ont été plus que généreux. Les paniers de Noël, c'est bien, mais en janvier, nous sommes toujours là et les besoins sont criants à l'année. Quand ce sont les conditions de base de la vie en société qui sont en jeu, le partage spontané par les plus généreux, ça ne suffit pas, pas plus que les multiples actions des groupes communautaires, si cela ne se combine pas à un réel effort gouvernemental pour éliminer la pauvreté chez nous. Il faut passer au panier de la fiscalité, qui implique la solidarité de tous et toutes. Le prochain budget doit prévoir une amélioration du revenu disponible et des conditions de vie du cinquième le plus pauvre de la population."
Une tournée provinciale
À l'appui de ses demandes, le Collectif entreprend une tournée provinciale de formation et d'information sur sa plate-forme budgétaire et lance une trousse d'animation à l'appui. L'objectif de la tournée est non seulement d'informer la population sur les enjeux reliés au prochain budget provincial, mais aussi de former les gens à analyser le discours du budget dans la perspective de son effet sur la réduction ou l'accroissement des inégalités. Déjà, des activités sont prévues en janvier et février dans plus de 21 villes partout au Québec.
Le 22 novembre dernier, le Collectif a déposé à l'Assemblée nationale une pétition de 215 307 noms en faveur de sa démarche. Le Collectif est constitué de 23 organisations communautaires, syndicales, féministes, religieuses, étudiantes et coopératives. Il a développé sa proposition de loi à partir d'une consultation populaire qui a impliqué la participation de milliers de citoyennes et de citoyens dont un grand nombre en situation de pauvreté.