Crise sanitaire et crise du logement : le logement social doit absolument être une priorité de Québec et d’Ottawa
Alors que la pandémie a rendu visibles les conséquences dramatiques du mal-logement, que la pénurie de logements s’incruste et qu’une deuxième vague de contaminations de la Covid-19 risque d’aggraver les choses, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, le Collectif pour un Québec sans pauvreté et le Réseau SOLIDARITÉ itinérance du Québec demandent aux gouvernements canadien et québécois de faire du logement social une priorité immédiate.
Selon le FRAPRU, les campements temporaires qui se multiplient à Montréal, tout comme le nombre de ménages locataires toujours sans logis 10 semaines après la journée traditionnelle des déménagements, sont autant de signaux d’alarme que les gouvernements ne peuvent ignorer plus longtemps. « En pleine pandémie, on ne peut abandonner les ménages qui habitent dans un logement insalubre et-ou surpeuplé, ceux qui sont évincés de leur logement ou pire, qui sont à la rue », s’inquiète la porte-parole du FRAPRU, Véronique Laflamme.
Pour les quatre regroupements, il va sans dire que les personnes assistées sociales sont particulièrement mal prises. Même en temps normal, leurs prestations ne leur permettent pas d’assurer leurs besoins les plus élémentaires, et la crise sanitaire a rendu leur situation encore plus précaire puisqu’elles ont dû faire face à des dépenses supplémentaires tout en ayant un accès fort restreint, voire inexistant, aux mesures d’urgence comme la PCU et aux ressources communautaires habituelles, comme les comptoirs alimentaires.
La porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, Virginie Larivière, rappelle que « les personnes seules au programme d’aide sociale reçoivent de maigres prestations mensuelles de 690$, à peine de quoi couvrir la moitié de leurs besoins de base. Le prix élevé du loyer représente un problème insurmontable pour ces personnes. Et en période de pénurie de logements, les personnes à l’aide sociale subissent en plus de la discrimination systémique lorsqu’elles cherchent un nouveau logement. Si le logement social est une mesure indispensable de lutte à la pauvreté, les prestations d’aide sociale doivent également être rehaussées pour permettre à tout le monde de couvrir l’ensemble de ses besoins de base. »
Les femmes victimes de violence conjugale subissent aussi durement les contrecoups de la crise sanitaire en période de pénurie de logements. « Ayant du mal à trouver un logement convenable, elles doivent demeurer plus longtemps dans les maisons d’hébergement ou pire, avec un conjoint violent », fait remarquer Louise Lafortune, responsable des dossiers liés à l’intervention et à la problématique au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. « Le manque de logements familiaux à coût raisonnable a aussi des effets négatifs sur l’obtention de la garde des enfants », précise-t-elle. « Même si les femmes victimes de violence conjugale ont une priorité pour avoir accès à un HLM, une mesure primordiale, si on ne construit pas davantage de logements sociaux, elles devront quand même attendre des mois, bien que leurs besoins soient urgents », déplore-t-elle.
Selon le Réseau SOLIDARITÉ itinérance du Québec, l’itinérance, qu’elle soit visible ou cachée, a été aggravée par la disparition des maisons de chambres, au cours de la dernière décennie. « Avec la COVID-19, c’est encore pire », selon Alain Bernier, organisateur communautaire au sein de l’organisme. « L’accès aux refuges, qui débordaient déjà dans plusieurs villes, a été réduit par les mesures de confinement », indique-t-il. Il précise que « le manque de logements sociaux avec soutien communautaire est encore plus évident depuis le mois de mars ».
« Depuis le déclenchement de la crise sanitaire, on a constaté à quel point les liens sont étroits entre la santé et le logement », résume Véronique Laflamme. Or, selon les regroupements, le marché privé ne peut, ni ne veut répondre aux besoins qui explosent. Au contraire, il les aggrave par ses opérations spéculatives. Dans le contexte, les organismes demandent au gouvernement Legault que la crise du logement et la lutte à l’itinérance soient des priorités, dès sa rentrée parlementaire de demain.
Selon les quatre organisations, les solutions sont à portée de main : Québec doit prévoir dans sa mise à jour financière de l’automne des investissements supplémentaires pour financer un grand chantier de 50 000 logements sociaux d’ici 2025 et il doit absolument accélérer la livraison des 13 000 déjà prévus, mais pas encore livrés. Le FRAPRU lui demande de faire également davantage pour protéger les locataires contre les rénovictions et les hausses abusives de loyers.
Les quatre regroupements interpellent aussi le fédéral. « Malgré la promesse de la Stratégie nationale sur le logement de venir en aide aux ménages canadiens ayant des besoins impérieux de logement, Ottawa n’a pas augmenté le financement du logement social, au contraire, il l’a diminué », indique Véronique Laflamme. « Non seulement l’entente avec le Québec n’est toujours pas signée, mais le Canada met fin aux subventions qu’il versait pour les locataires des logements sociaux construits ou annoncés avant 1994, au fur et à mesure que les conventions avec les provinces, les coopératives et les organismes sans but lucratif d’habitation prennent fin », précise-t-elle. Effectivement, selon les données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, le nombre de logements subventionnés annuellement par Ottawa au Québec, a chuté de 24 % entre 2008 et 2018. Faute de fonds pour des rénovations, l’état du parc de logements HLM s’en ressent également. Avec le FRAPRU, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, le Collectif pour un Québec sans pauvreté et le Réseau SOLIDARITÉ itinérance du Québec demandent également à Ottawa d’augmenter ses investissements dans le logement social, dès son prochain budget.