Chercher à réduire durablement l’insécurité alimentaire
Lettre publiée dans la section Faites la différence (Journal de Québec et Journal de Montréal) du 6 novembre 2022
Plus d’un million de personnes vivaient de l’insécurité alimentaire au Québec en 2020. La situation s’est ensuite nettement détériorée avec la flambée inflationniste. Les solutions existantes sur le terrain ne sont pas suffisantes pour réagir à ce que certains décrivent comme une «explosion» de la demande d’aide alimentaire.
Face à l’ampleur du problème, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour que la lutte contre l’insécurité alimentaire passe à une vitesse supérieure et pour viser aussi sa réduction et sa prévention avec des moyens appropriés.
Une demande toujours plus grande
Selon le plus récent Bilan-Faim, Les Banques alimentaires du Québec répondent aujourd’hui, chaque mois, à 2,2 millions de demandes d’aide alimentaire en moyenne, ce qui représente une hausse de 20% par rapport à l’an dernier. Ce sont plus de 670 000 personnes qui sont aidées mensuellement, soit une augmentation de 9% depuis 2021 et de 33% depuis 2019. Ajoutons que 34% des bénéficiaires de l’aide alimentaire sont des enfants. Les impacts physiques et psychologiques de l’insécurité alimentaire ont été largement documentés.
Les réponses actuelles à l’insécurité alimentaire ne suffisent même plus à freiner sa croissance, et les stratégies d’atténuation de l’insécurité alimentaire, aussi indispensables soient-elles, n’ont pas le pouvoir – ni comme objectif, d’ailleurs – de faire baisser l’aiguille de l’insécurité alimentaire.
Tirer la sonnette d’alarme
Dans la foulée des conclusions du récent rapport de l’Observatoire québécois des inégalités sur l’insécurité alimentaire, «La faim justifie des moyens», nous estimons, d’une part, que les initiatives communautaires atténuant l’insécurité alimentaire méritent un soutien plus adéquat, et nous suggérons, d’autre part, que la mise en place de mesures favorisant une réduction durable et la prévention de l’insécurité alimentaire soit sérieusement envisagée.
Vers une réduction importante et durable
Afin de réduire l’insécurité alimentaire, il paraît inévitable de s’attaquer à ses causes profondes.
Si la principale cause immédiate de l’insécurité alimentaire des ménages est le manque de ressources financières adéquates, trois facteurs expliquent cette situation: des conditions d’emploi précaires (la moitié des ménages en insécurité alimentaire ont des revenus d’emploi comme principale source de revenus, ce qui signifie que le fait de travailler n’est pas une garantie contre la pauvreté); un filet social insuffisant (par exemple, plus de la moitié des ménages québécois vivant de l’aide sociale sont en insécurité alimentaire); enfin, le coût de la vie, avec le logement qui exerce une très forte pression budgétaire sur les ménages en insécurité alimentaire, sans compter les coûts de l’alimentation et du transport qui sont soumis aux pressions inflationnistes.
Dans ces circonstances, toute solution durable à l’insécurité alimentaire passe par l’augmentation du pouvoir d’achat des personnes moins nanties, grâce à des mesures de redressement de leurs revenus et d’allègement du coût de la vie. À très court terme, la mise en place d’un programme d’alimentation scolaire universel, d’ailleurs très répandu dans les pays du G7, apporterait un soutien aux familles aux prises avec de l’insécurité alimentaire.
La mise à jour du filet social, l’amélioration des conditions d’emploi et le contrôle du coût de la vie représentent les voies les plus structurantes pour supprimer et prévenir l’insécurité alimentaire. Une véritable conversation nationale réunissant tous les secteurs de la société québécoise doit être mise à l’ordre du jour.
Références:
– Les Banques alimentaires du Québec (2022). Bilan-Faim
– Observatoire québécois des inégalités (2022). La faim justifie des moyens
– Webinaire «Insécurité alimentaire au Québec: comment la réduire durablement?»: https://www.youtube.com/watch?v=Md_yY08ekpw
Cosignataires:
Anne-Marie Aubert, coordonnatrice du Conseil du système alimentaire montréalais
Olivier Bonnet, directeur général de Paroles d’excluEs
Sylvie Chamberland, codirectrice générale du Carrefour solidaire Centre communautaire d’alimentation
Gaël Chantrel, directeur des opérations des Banques alimentaires du Québec
Isabelle Genest, présidente-directrice générale de Centraide Québec, Chaudière-Appalaches et Bas-Saint-Laurent
Nathalie Guay, directrice générale, Observatoire québécois des inégalités
Virginie Larivière, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté
Claude Pinard, président et directeur général de Centraide du grand Montréal