La pétition : un outil de citoyenneté

 

« Le dépôt de pétition est un moyen démocratique et civilisé de se faire entendre. »

Jean-Pierre Charbonneau, président de l’Assemblée nationale du Québec (1)

 

« Une pétition est un acte écrit qu’un ou plusieurs individus adressent à l’Assemblée et par lequel ils demandent l’intervention de l’Assemblée en vue de faire redresser quelque grief public », peut-on lire sous la rubrique « pétition » dans la documentation officielle de l’Assemblée nationale du Québec. Issu de la tradition parlementaire britannique, le droit de pétitionner est inscrit dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, dont l’article 21 stipule que : « Toute personne a droit d’adresser des pétitions à l’Assemblée nationale pour le redressement de griefs. » Il s’agit d’une méthode pour la population de se faire entendre auprès de celles et ceux qui gouvernent dont l’origine remonte au 13ième siècle. Une pétition doit porter sur un sujet sur lequel l’Assemblée nationale a le pouvoir d’agir. Elle doit aussi être déposée par un ou une député-e choisi par la ou les personnes requérantes. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’élu-e qui procède au dépôt ne partage pas nécessairement le vues avancées par les signataires. C’est en tant que membres du parlement et dans la perspective de servir de manière désintéressée la démocratie que les député-e-s sont appellé-e-s à poser ce geste.

Bon an mal an, l’Assemblée nationale du Québec est saisie d’une centaine de pétitions que des milliers de Québécoises et de Québécois signent pour faire entendre des réclamations diverses. Ces revendications vont du désir de voir une route baptisée du nom d’un personnage historique, comme ce fut le cas récemment pour Joseph-Armand Bombardier (2), à des demandes de modifications à la législation ( ou, très rarement, une toute nouvelle loi, comme c’est le cas pour le Collectif pour une loi sur l’élimination de la pauvreté ! )

Le pouvoir d’une pétition

Par ailleurs, le dépôt d’une pétition n’impose aucune obligation légale spécifique aux membres de l’Assemblée nationale, dont la responsabilité se limite à prendre acte du texte. Ainsi, le membres du gouvernement ne sont pas contraint à agir dans le sens des demandes qui lui sont formulées par ce moyen, pas plus qu’il n’ont l’obligation de justifier leur action ou leur inaction en la matière.

À l’occasion de la Commission sur la réforme parlementaire qui se déroula en août 1998, le président de l’Assemblée nationale suggérait d’ailleurs d’obliger les parlementaires interpelléEs par la pétition à répondre aux pétitionnaires afin de démontrer « le respect que les élus, que le gouvernement accorde à sa population, à qui il est redevable de toute façon. (3) » Par contre, cette suggestion n’a pas mené à de changements concrets au règlement de l’Assemblée nationale portant sur les pétitions.

Concrètement donc, une pétition n’a qu’un pouvoir moral : elle sert à signifier aux parlementaires l’existence et la force d’une idée au sein de la population.

Un exercice pas toujours serein

Dans le passé, le dépôt de pétition a parfois été l’occasion de manœuvres partisanes de la part des partis politique, ce qui va à l’encontre du caractère désintéressé que commande l’exercice. Ainsi est-il déjà arrivé que plusieurs députés d’une même formation se séparent les signatures d’une pétition afin de prolonger la procédure de dépôt dans le but de paralyser les travaux en chambre et pour narguer leurs adversaires (4) . Ou encore un parti peut profiter de l’occasion du dépôt pour lancer une attaque envers un membre du gouvernement, comme ce fut le cas en mars 1999, lors du dépôt des 141 588 signatures recueillies par la famille de Nicolas Giroux-Talbot, ce jeune tué par un chauffard ivre (4).

Un instrument parmi d’autres

Bien entendu, une pétition ne représente pas le début et la fin d’une idée dans la sphère politique. Il s’agit en fait d’un premier moyen dont disposent les citoyenNEs pour faire avancer une idée auprès des lieux du pouvoir. D’autres moyens citoyens existent, comme la manifestation, l’action civile non violente, le dépôt d’un projet de loi privé, le vote lors des élections, voire la politique active au sein d’un parti politique existant ou à créer.

D’une certaine manière la pétition sert aussi de révélateur quant au respect qu’entretient un gouvernement envers sa population, pour reprendre les mots du président de l’Assemblée nationale. La qualité de la réception que réservent les personnes au pouvoir aux revendications exprimées de la manière la plus pacifique et la plus respectueuse qui soit par les citoyenNEs n’est-elle pas directement proportionnelle au niveau de santé de la démocratie dans un pays donné ?

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L’arbre de la loi: cet arbre a été remis au premier vice président de l’Assemblée nationale à l’occasion du lancement officiel du texte de la proposition, le 13 mai dernier.


NOTES

1 « Les pétitions dérangent les députés », Le Soleil, samedi 18 juillet 1998, p. A12

2 « Un accueil chaleureux à Québec », La Tribune, jeudi 4 mai 2000, p. A3.

3 Débats de la commission de l’Assemblée nationale, le mardi 18 août 1998, entre 09 h 40 et 09 h 50.

4 Les participants à la commission de l’Assemblée nationale du mardi 18 août 1998 font référence à ce genre de situations.

5 « La pétition des Giroux-Talbot à l’Assemblée nationale », Le Soleil, vendredi 26 mars 1999, p. A4.