Québec, le mercredi 22 novembre 2000 - Après deux ans de travail citoyen, le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté dépose aujourd'hui sa pétition de 215 307 signatures et demande aux membres de l'Assemblée nationale du Québec une loi cadre et loi programme sur l'élimination de la pauvreté.
Une bonne partie de la journée parlementaire de l'Assemblée nationale sera occupée aujourd'hui par cette question urgente qui a mobilisé des milliers de personnes partout au Québec au cours des deux dernières années.
En effet, plus de 300 personnes de toutes les régions du Québec sont attendues ce matin pour transmettre la pétition à trois député-e-s de trois formations politiques différentes, qui, dans un geste sans précédent, déposeront tour à tour un tiers de la pétition cet après-midi lors de la période de questions. Il s'agit de Diane Barbeau, députée de Vanier (Parti québécois), de Mario Dumont, député de Rivière-du-Loup (Action démocratique du Québec) et de Christos Sirros, député de Laurier-Dorion (Parti libéral du Québec).
À partir de 11 h 30, les pétitionnaires, réuni-e-s à l'église St-Pierre à Québec, se déplaceront au Parc de l'Esplanade, site du Parlement de la rue en 1997, où l'idée d'une telle loi cadre a fait surface. Ensuite, 215 d'entre eux et elles formeront une chaîne humaine jusqu'à l'Assemblée nationale, où se présenteront à midi les trois député-e-s déposeur-e-s, ainsi que le premier vice-président de l'Assemblée nationale, Raymond Brouillet.
"Éliminer la pauvreté, c'est possible et nous le voulons"
La pétition du Collectif, qui s'intitule "Éliminer la pauvreté, c'est possible et nous le voulons", se lit comme suit.
" Nous sommes des milliers de personnes au Québec, vivant ou non la pauvreté, à dire NON à la pauvreté, à l'exclusion. En conséquence, nous proposons que le Québec se dote d'une loi-cadre sur l'élimination de la pauvreté.
Cette loi aura pour but d'éliminer la pauvreté au Québec et de mettre en place des moyens de lutter contre l'exclusion sociale.
Elle reconnaîtra que la pauvreté et l'exclusion portent atteinte aux droits et libertés.
Elle proposera des moyens pour que tout le monde puisse participer à l'activité sociale, culturelle, politique et économique en y exerçant des responsabilités reconnues.
Elle s'attaquera aux causes de la pauvreté, aux inégalités et aux injustices qu'elle entraîne.
Elle affirmera la responsabilité de tous et toutes vis à vis de la pauvreté et de l'exclusion.
Elle prévoira des moyens précis de redistribuer mieux la richesse.
Elle visera la satisfaction des besoins essentiels de tous et toutes, en particulier l'accès à un revenu décent.
Elle encadrera toutes les autres lois de même que l'ensemble des décisions politiques.
Elle prévoira des mécanismes d'application et d'évaluation auxquels les personnes qui vivent la pauvreté et l'exclusion seront associées.
Elle affirmera la responsabilité du Québec face à l'élimination de la pauvreté dans le monde.
Nous appuyons la démarche entreprise dans ce but par le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté.
Nous demandons à l'Assemblée nationale de recevoir de façon non partisane le projet de loi qui lui sera déposé au terme de ce processus."
En même temps qu'il a fait circuler cette pétition, le Collectif a convié depuis 1998, la population québécoise à élaborer avec lui une telle proposition de loi. Des groupes relayeurs se sont constitués dans toutes les régions du Québec.
Pendant l'année 1998-1999, une trousse d'animation a permis de recueillir des milliers de suggestions et commentaires sur ce que devrait contenir une telle loi. Les personnes qui vivent la pauvreté ont été étroitement associées au processus.
En 1999-2000, en prenant appui sur cette consultation, le Collectif a rédigé une première proposition de loi qu'il a soumise à son réseau, lequel a organisé plus de 200 sessions parlementaires populaires au cours de l'hiver 2000.
Ensuite, une proposition finale a été adoptée lors d'une session de clôture tenue à Québec les 19 et 20 avril 2000.
Puis le 13 mai dernier, 2000 personnes ont signifié devant l'Assemblée nationale leur adhésion à cette proposition de loi. De son côté, le Collectif avait annoncé qu'il déposerait la pétition quand elle atteindrait 200 000 signatures, ce qui s'est produit le 13 octobre dernier, en pleine Marche mondiale des femmes.
Le Collectif demande aux membres de l'Assemblée nationale de faire avancer sa proposition
Le 10 novembre dernier, le Collectif a avisé par lettre les membres de l'Assemblée nationale que le dépôt de sa pétition aurait lieu aujourd'hui et il leur a expliqué dans quel esprit il voudrait qu'elle soit reçue. Il a demandé notamment aux membres de l'Assemblée :
d'engager les Québécoises et les Québécois avec eux à faire du Québec une société sans pauvreté à travers le moyen le plus formel à leur disposition, soit une loi ;
à en débattre en utilisant les différents mécanismes parlementaires à leur disposition, entreprendre ces débats sur la base du moyen, une loi cadre et loi programme, et du contenu mis de l'avant dans la proposition de loi du Collectif et inciter le gouvernement québécois à faire de même;
à utiliser toutes les prérogatives de leur fonction parlementaire pour faciliter la mise en place dès maintenant des mesures immédiates de la proposition, qui ont un caractère d'urgence tout comme les demandes de la Marche des femmes, exiger du gouvernement québécois qu'il fasse de même dans le cadre du prochain budget et réclamer du gouvernement fédéral qu'il s'engage dans le même sens pour les questions qui relèvent de sa compétence;
à mettre ces questions au-dessus des intérêts partisans et à agir en conséquence.a été portée à l'attention des citoyennes et des citoyens partout au Québec
Une première motion en chambre
Cette demande aura son premier test dès aujourd'hui. En effet, Christos Sirros, député de Laurier-Dorion, a pris l'initiative de marquer le dépôt de la pétition du Collectif par une motion qui donnera l'occasion d'un premier débat à l'Assemblée nationale.
La motion est libellée comme suit : "Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement du Québec de procéder à l'adoption d'une loi-cadre visant l'élimination de la pauvreté sur la base des objets, principes et objectifs de la proposition mise de l'avant par le Collectif pour [sic] l'élimination de la pauvreté". Cette motion sera débattue à partir de 10 :00 et une délégation du Collectif sera présente dans les galeries du public pour assister au débat. Le vote aura lieu en après-midi, après le dépôt de la pétition. Le Collectif commentera alors cette partie de la journée.
Une photo autour d'une mosaïque géante
Le Collectif a voulu marquer cet important effort citoyen en imaginant une journée faisant place à la créativité. La pétition sera transmise ce midi dans 215 boîtes peintes à la main. Une affiche commémorative a été publiée pour la journée. Une photo du groupe sera prise vers 13 :00 après la transmission de la pétition devant l'Assemblée nationale autour d'une mosaïque géante de 34 pieds par 44 pieds demandant "une loi pour un Québec sans pauvreté".
Depuis deux semaines, le Collectif, qui est formé de 23 organisation communautaires, syndicales, féministes, religieuses, étudiantes et coopératives, a reçu de nombreux messages d'encouragement, dont aujourd'hui celui du maire de Québec, dont la ville appuie, comme de nombreuses autres villes et municipalités, la proposition du Collectif. En fait, au cours des derniers mois, plus de 1500 organisations de tous les secteurs de la société civile québécoise ont donné un appui à la démarche du Collectif pour une loi cadre sur l'élimination de la pauvreté.
C'est donc une nouvelle étape parlementaire, gouvernementale et citoyenne qui s'amorce aujourd'hui.
Le Collectif relance à cet égard le message qui a été le sien depuis deux ans: "Faisons-le et ça se fera".
Il rappelle les paroles de deux personnes qui ont marqué son processus jusqu'à maintenant.
Celle de Lucien Paulhus, décédé depuis dans la plus grande pauvreté, qui a écrit lors d'une animation : "Je suis une feuille à côté de l'arbre. Après la loi, je serai dans l'arbre."
Celle d'Yvette Muise, qui a dit au Parlement de la rue : "Il faut rêver logique."
Rêvons logique. Votons-la cette loi.