Québec, le 19 mars 2002 - Le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté trouve dans l'énoncé économique présenté par la ministre des Finances Pauline Marois aujourd'hui des pas nécessaires et intéressants, mais qui restent nettement insuffisants pour une lutte efficace contre la pauvreté. Selon lui, le temps est venu d'aller beaucoup plus loin et de viser la pleine couverture des besoins essentiels de l'ensemble de la population québécoise.
"En abolissant la coupure pour partage de logement, la ministre remplit tout simplement une vieille promesse répétée au Sommet de la jeunesse, il y a deux ans, précise Vivian Labrie, porte-parole du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté. Mais pourquoi attendre jusqu'en janvier 2003? En attendant, les personnes devront subir encore plus longtemps cette règle destructrice de l'entraide et des solidarités."
Selon le Collectif d'autres pratiques destructrices dont le gouvernement porte la responsabilité auraient dû être modifiées à l'occasion de cet énoncé. Par exemple celle qui oblige les personnes assistées sociales aptes au travail et les personnes âgées recevant le supplément de revenu garanti à assumer une franchise et une coassurance pour des médicaments de prescription qu'elles recevaient gratuitement avant l'instauration de l'assurance-médicaments.
"Ces personnes, qui sont parmi les plus pauvres de la société, ont été privées à cette occasion d'un droit acquis qui n'a été redonné qu'aux personnes assistées sociales ayant des contraintes sévères à l'emploi, commente Vivian Labrie. Il n'y a aucun argument acceptable pour ne pas le rétablir à toutes les personnes en situation de grande pauvreté. Les coûts auraient été d'environ 50 M$. Mais on préfère continuer de passer à côté de cela et de ruiner la santé des gens tout en préparant des coûts de santé accrus. Les plus pauvres auront encore à choisir entre manger et se soigner. On ne peut pas accepter cela."
La pleine couverture des besoins essentiels à viser
Pour le Collectif, la nouvelle la plus structurante est l'annonce de l'indexation automatique des prestations d'aide sociale. Il s'agit d'une mesure qui rapproche la société québécoise de la pleine application de la clause d'appauvrissement zéro.
Cependant le gouvernement n'a pas avancé de manière décisive vers une couverture des besoins essentiels des plus pauvres. Les demandes du Collectif à cet effet restent les mêmes :
la pleine application du principe d'appauvrissement zéro à l'ensemble du cinquième plus pauvre de la population;
un barème plancher à l'aide sociale qui assure la couverture des besoins essentiels et qui ne peut être coupé pour cette partie;
le retour à la gratuité des médicaments pour les plus pauvres
l'application réelle du droit à la formation, l'insertion et l'intégration à l'emploi;
une amélioration substantielle de l'allocation familiale;
le retour à un niveau de construction de 8000 logements sociaux par année;
la hausse du salaire minimum à niveau de sortie de la pauvreté;
une meilleure protection des travailleurs et travailleuses à temps partiel ou à statut précaire.
Il faut une action globale, fondée sur les droits, encadrée par une loi
" Cet énoncé nous démontre que si on veut passer des vœux pieux à une action cohérente, globale et efficace, il va nous falloir en venir à nous gouverner autrement sur les questions de lutte contre la pauvreté, affirme Vivian Labrie, porte-parole du Collectif. C'est ce que nous préconisons, avec notre proposition de loi. Cette proposition prévoit et programme une telle action globale, fondée sur les droits, qui viserait carrément à jeter progressivement en dix ans les bases d'un Québec sans pauvreté. Elle fournit des principes, des objectifs. Elle introduit une série de plans d'action pour s'y rendre et met en place une batterie de mécanismes pour exercer une vigilance continue et produire des résultats. Nous attendons toujours des résultats aux représentations très appuyées que nous faisons à cet effet. Ce gouvernement n'a plus beaucoup de temps pour y donner suite avant la fin de son mandat. Il est grand temps qu'il bouge."
Une priorité à l'amélioration des revenus des plus pauvres?
Le Collectif devra étudier plus a fond les données de cet énoncé budgétaire avant de déterminer s'il respecte le deuxième principe de sa proposition de loi qui veut que l'amélioration des revenus du cinquième le plus pauvre prime sur l'amélioration des revenus du cinquième le plus riche. Chose certaine, il reste beaucoup de chemin à parcourir de réparer les écarts générés par les budgets des cinq dernières années.
Par ailleurs, le Collectif remarque qu'aucun montant supplémentaire n'est prévue pour la stratégie de lutte à la pauvreté que le gouvernement du Québec doit annoncer sous peu.
"Des milliers de personnes vivent des crises économiques à toutes les fins de mois quand une société et ses institutions politiques ferment les yeux sur leur responsabilité de créer un environnement plus solidaire et plus égalitaire, conclut la porte-parole. Chaque budget qui omet de s'y attaquer est une occasion manquée dont nous portons collectivement la responsabilité."
Le Collectif regroupe 26 organisations nationales et un réseau actif dans 16 régions du Québec. Sa démarche reçoit l'appui de plus de 215 000 personnes et 1600 organisations.