Québec, le 2 avril 2004 - Le Collectif pour un Québec sans pauvreté aperçoit dans le plan d'action gouvernemental annoncé aujourd'hui par le ministre responsable de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, M. Claude Béchard, un effort louable pour respecter les obligations qui lui sont faites par la loi, avec des omissions graves qui vont laisser la situation des personnes les plus pauvres se détériorer encore.
Des omissions inacceptables
Le Collectif reconnaît que les sommes investies sur cinq ans iront en majorité à l'amélioration directe du revenu de ménages en situation de pauvreté... dans un an ou plus. Ce sera toutefois une amélioration sélective. Les revenus des familles progresseront par la mesure Soutien aux enfants. Par contre les personnes à l'aide sociale sans enfant et sans contraintes sévères à l'emploi, qui reçoivent à peine 533$ par mois pour vivre, verront leur pouvoir d'achat continuer de se détériorer par défaut d'indexation.
Leur prestation a déjà atteint un seuil critique qui les place en situation de déficit humain chronique. Le principe d'indexation partielle annoncé aujourd'hui est contraire à l'esprit de la loi qui engage à améliorer le revenu de l'ensemble des personnes et familles en situation de pauvreté.
De même le report au printemps 2005 de décisions éventuelles sur le retour à la gratuité des médicaments pour les personnes à l'aide sociale maintiendra des milliers de personnes dans une situation intolérable. Ces personnes n'ont pas les liquidités nécessaires pour payer la franchise des médicaments qui leurs sont prescrits. C'est une mesure d'à peine 17 M$ qui est aussi un engagement du parti au pouvoir. Le Collectif estime que cette omission va coûter plus cher au gouvernement que ce qu'il en aurait coûté de la réaliser.
Les familles à l'aide sociale continueront aussi de subir une discrimination dans le traitement des pensions alimentaires qu'elles recevront. Celles-ci continueront d'être déduites de leurs prestations alors que les contribuables à meilleur revenus n'ont pas à les inclure dans le calcul de leur revenu. La légère amélioration apportée aujourd'hui en étendant à toutes les familles l'exemption de 100$ faite aux familles avec des enfants de moins de 5 ans ne prendra effet qu'en 2006.
Fin des pénalités et de l'approche coercitive
«Par ailleurs, nous saluons dans ce plan l'abolition des pénalités pour refus de mesures et l'abandon clairement exprimé de l'approche coercitive, pleine de préjugés, commente Vivian Labrie, porte-parole du Collectif. C'est ici un gain clair et majeur. Ce n'est pas encore le barème plancher, qui supposerait la couverture des besoins essentiels. Tout de même, en le faisant, le Québec se démarque positivement du reste de l'Amérique du Nord. Il libère le terrain de l'aide à l'emploi en faveur d'approches plus productives, comme celle qui est proposée aujourd'hui pour les jeunes.
Encore faudra-t-il que l'offre de mesures soit là. Il y a ici un problème de cohérence. Le gouvernement annonce qu'il veut miser sur l'incitation au travail comme moyen de sortie de la pauvreté et il coupe les crédits de l'aide à l'emploi de 30 M$!»
Quant au supplément accordé aux personnes à l'aide sociale participant à des mesures, qui passera de 130$ à 150$ par mois, il est tout simplement ramené au montant de 1996, avant les coupures faites dans le contexte de la loi sur le déficit zéro. Ce supplément ne peut être invoqué comme palliatif au défaut de couvrir les besoins essentiels dans la prestation. «L'idée de reconnaître la participation à des activités autres que l'emploi est intéressante, reconnaît la porte-parole. Elle suppose les budgets en conséquence. Nous ne les trouvons pas dans les documents ministériels.»
En novembre 2003, environ 166 000 personnes sans contrainte à l'emploi recevaient la prestation de base. Seulement 17 000 d'entre elles avaient accès à une mesure de participation. Dans les annonces d'aujourd'hui, l'objectif mentionné est de faire passer ce nombre à 26 000 dans la prochaine année. Ce qui laisse le gouvernement en défaut de pouvoir offrir ce supplément à toutes les autres pour qui il serait bien nécessaire.
Attention à la pauvreté au travail
Pour le Collectif, le gouvernement devra aussi démontrer de la cohérence dans son approche de l'emploi comme solution à la pauvreté. Si l'accès à l'emploi doit être encouragé, il suppose une attention particulière à l'amélioration des normes du travail et de l'environnement social et économique.
«La logique voudrait qu'un salaire minimum à temps plein conduise à la sortie de la pauvreté, rappelle la porte-parole. L'ajustement annuel mentionné aujourd'hui n'indique pas une telle cible. Par ailleurs l'approche très néolibérale de l'économie et de l'État adoptée par le présent gouvernement crée plutôt des conditions contraires qui pourraient favoriser le travail précaire et à bon marché. C'est à suivre attentivement.»
Cibles manquantes
Le Collectif ne trouve pas dans les annonces faites aujourd'hui l'indication de cibles tel que le prescrit la loi. «C'est certainement la prochaine étape, indique Vivian Labrie. Il faut en venir à s'assurer de couvrir les besoins essentiels par un revenu suffisant. Voilà le problème à confronter. Nous en sommes encore loin. Et il faut s'assurer que la sortie de la pauvreté soit possible même au salaire minimum. La loi fixe à la société et au gouvernement de tendre vers un Québec sans pauvreté. De telles cibles sont un passage obligé.»
Où sont passés le comité consultatif et l'observatoire ?
Alors que la loi doit susciter la participation citoyenne et la mobilisation de la société, le Collectif constate que le plan d'action publié aujourd'hui omet l'instauration du comité consultatif et de l'observatoire requis par la loi. Le Collectif promet quant à lui de maintenir sa propre mobilisation suite à la publication de ce plan d'action. «Tant que la pauvreté sera un empêchement à la réalisation effective de l'égalité en droits, il faudra continuer à ouvrir les chemins», conclut la porte-parole.