Québec, le 4 mars 2004 - Lors de sa présentation aux consultations prébudgétaires aujourd'hui, le Collectif pour un Québec sans pauvreté a demandé au ministre des Finances, Yves Séguin, de faire de la couverture des besoins essentiels une priorité budgétaire. À ce sujet, le Collectif a proposé au ministre d'essayer de faire le budget du mois de mars d'une personne recevant une prestation d'aide sociale de 533 $ et il veut le revoir pour en rediscuter avant qu'il prenne toute décision finale sur le budget du Québec 2004-2005.
Le Collectif a exigé que le prochain budget contienne les prévisions nécessaires pour la mise en application du plan d'action gouvernemental requis par la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Il a demandé au ministre de s'engager à présenter un budget qui réduira les écarts entre le cinquième le plus riche et le cinquième le plus pauvre de la population.
«Un Québec sans pauvreté, c'est possible. On a même une loi pour ça !», insiste Vivian Labrie, porte-parole du Collectif. Elle donne au ministre un rendez-vous incontournable compte tenu que le plan d'action qu'elle requiert est dû depuis le 5 mai 2003. Cette loi impose au gouvernement de rejoindre d'ici dix ans le rang des nations industrialisées où il y a le moins de personnes pauvres. Cette obligation doit influencer la politique budgétaire du gouvernement.
Des mesures prioritaires
Le Collectif a présenté au ministre une feuille de route qui comprend des mesures prioritaires à intégrer au budget du Québec 2004-2005. Ces mesures, dont l'impact serait immédiat dans la vie des personnes en situation de pauvreté, visent à mettre en branle une convergence de moyens en direction de la couverture des besoins essentiels. Elles auraient un effet positif instantané dans l'économie québécoise :
-une sécurité du revenu qui protège de toute coupure les prestations d'aide sociale actuelles (47 M$) et qui les conduit à couvrir les besoins essentiels (453 M$),
-la gratuité des médicaments pour l'ensemble des personnes à faible revenu, à l'aide sociale (17 M$), pour les personnes âgées recevant le supplément de revenu garanti (6 M$), puis pour l'ensemble des personnes à faible revenu,
-un régime d'allocations familiales avec une composante universelle (400 M$),
-du logement social en quantité et qualité suffisante, avec au moins le respect des engagements pris (128 M$),
-des mesures d'accès à la formation et à l'emploi offertes sur une base volontaire (185 M$).
La Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale impose également de prévoir dans le premier plan d'action une amélioration des règles de l'aide sociale pour permettre l'accès à des actifs et pour exempter du calcul de la prestation un montant des pensions alimentaires reçues. Le Collectif propose que ce soit l'ensemble de la pension reçue qui soit exempté (33 M$).
Pour le Collectif la détérioration de la valeur de la prestation d'aide sociale au cours des ans rend très urgente et prioritaire la question de la couverture des besoins essentiels.
«La prestation de base qui se chiffrait à 440 $ en 1985, vaudrait plus de 700 $ en dollars de 2004, a expliqué Vivian Labrie. Or aujourd'hui, elle n'est que de 533 $. Qui peut arriver à boucler un budget au Québec avec 533 $ par mois? En laissant se détériorer ainsi le pouvoir d'achat des personnes les plus pauvres, les gouvernements qui se sont succédés ont généré un déficit humain cruel et grave. Ça devient même une question de santé publique parce que les gens brisent leur santé physique et mentale à tenter de survivre à un revenu qui s'épuise de plus en plus tôt avant la fin du mois.»
Les moyens sont là
Pour progresser vers un société sans pauvreté, le Collectif propose au ministre d'adopter comme principe de faire primer l'amélioration des revenus du cinquième le plus pauvre de la population sur l'amélioration des revenus du cinquième le plus riche. Il a montré aujourd'hui que de 1997 à 2000, les familles du cinquième le plus riche de la population ont vu leur revenu net passer de 72 255 $ à 87 016 $, soit un peu moins de 15 000 $, ce qui est l'équivalent d'un salaire minimum.
Pendant ce temps, les familles du cinquième le plus pauvre voyaient leur revenu net passer de 15 753 $ à 16 936 $, soit un peu plus de mille dollars. Une société consentant à appliquer le principe proposé aurait pu choisir de modérer l'enrichissement très rapide des uns pour accélérer, par des mesures sociales et fiscales ainsi que par des politiques économiques appropriées, la sortie de la pauvreté des autres.
Les énormes baisses d'impôt faites à Québec et Ottawa depuis 1998 ont au contraire contribué à augmenter les écarts entre riches et pauvres, en plus de priver la société de revenus publics substantiels. Selon le ministère des Finances du Québec, les baisses d'impôt effectuées au Québec depuis 2000 se traduisent maintenant en manque à gagner de 3,5 MM$ par année.
Utilisé plutôt à mieux redistribuer la richesse et à améliorer les services publics, ce montant aurait mieux servi les intérêts des plus pauvres et de la classe moyenne. Le Collectif considère qu'il serait dangereux pour l'équilibre budgétaire, humain et social du Québec de persister dans cette direction. Il a proposé au ministre un cadre raisonné pour inverser la tendance.
Développer la solidarité fiscale
Le ministre s'étant présenté récemment comme un «fiscothérapeute», le Collectif lui propose deux moyens efficaces tant pour la santé budgétaire des finances publiques que pour la santé publique : intégrer les buts exposés dans la loi sur la pauvreté à l'ensemble de son action et s'en servir pour sensibiliser la population à la solidarité fiscale, une condition selon lui, pour se donner les moyens de mieux vivre ensemble.
Sur ce point, le Collectif souscrit entièrement à l'approche budgétaire fondée sur les droits et sur le bien commun qui est préconisée en ce moment par le Réseau de vigilance, auquel il participe. Il dénonce les impacts négatifs multiples du virage à droite prononcé pris par le présent gouvernement et réclame un budget non seulement équipé pour réduire les écarts, mais aussi pour assurer des services publics de qualité et le développement durable et viable. Toutes ces mesures sont nécessaires à la reconnaissance des droits de toutes et tous.
Enfin le Collectif et son réseau déclarent mars 2004, «mois des besoins essentiels», et lancent cette semaine une campagne de sensibilisation des parlementaires et de la population sur l'importance de donner accès à des revenus qui couvrent réellement les besoins essentiels des personnes et des familles.