Québec, le 26 mai 2005 - À l'occasion du début de l'étude des crédits de l'Emploi et de la Solidarité sociale par la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, le Collectif pour un Québec sans pauvreté a déposé aujourd'hui aux membres de la commission une série de constats inquiétants qui mettent en évidence l'incohérence de l'action de lutte contre la pauvreté du gouvernement. Le Collectif tire ces constats d'une analyse du budget et des crédits du Québec 2005-2006 qu'il a réalisée en tenant compte des impacts des budgets précédents.
Les constats faits par le Collectif
1. Les plus pauvres encore plus pauvres. Comparativement à ce qu'elles étaient lors de la mise en vigueur de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, et malgré l'obligation inverse faite par cette loi, les conditions de vie des personnes les plus pauvres, soit les personnes à l'aide sociale jugées sans contraintes sévères à l'emploi, se trouvent détériorées suite à des décisions gouvernement au lieu d'être améliorées comme y engage la loi. Étant très majoritairement sans enfant, ces ménages ne profitent pas de l'amélioration des mesures fiscales destinées aux familles. Le gouvernement marque donc des reculs plutôt que des pas en avant vers l'objectif fixé par cette loi pour 2013 de figurer parmi les nations industrialisées où il y a le moins de personnes pauvres.
2. L'impact positif du budget Séguin annulé par les mesures post-budgétaires 2004-2005 et le budget Audet 2005-2006. L'abolition de la déduction pour frais d'emploi à l'aide sociale en janvier 2005 annule entre autres l'effet de la Prime au travail pour les personnes à l'aide sociale. Alors que cette déduction est abolie à l'aide sociale, une déduction similaire est par ailleurs accordée dans le budget Audet en proportion de leur revenu aux contribuables qui paient de l'impôt. Ainsi une personne gagnant 5000 $ par année et recevant de l'aide sociale en complément se retrouve deux ans plus tard avec un pouvoir d'achat réduit par l'État de 226 $ alors qu'une personne gagnant 75 000 $ et plus se retrouve avec un cadeau de l'État de 120 $ par-dessus l'amélioration régulière de son revenu sur le marché de l'emploi.
3. La lutte contre la pauvreté financée en prenant aux plus pauvres. Si on ne corrige pas la situation, les 2,5 G$ sur cinq ans du plan de lutte contre la pauvreté se traduiront en fait par 125 M$ de moins sur 5 ans à l'aide sociale. Le gouvernement aura ainsi financé la très contestée Prime à la participation (129 M$ sur cinq ans) annoncée dans le plan d'action par des mesures de coupure aux protections de base à l'aide sociale. Les sommes récupérées proviennent de l'indexation incomplète des prestations et de modifications odieuses au règlement de l'aide sociale entrées en vigueur en janvier 2005. La véritable stratégie du gouvernement apparaît ici clairement : réprimer davantage les unEs pour sembler aider un peu plus les autres en cédant aux préjugés et à la discrimination.
4. Des compressions dans le cadre d'un État en régression. Le budget de l'Emploi et de la Solidarité sociale est en compression (107 M$ de moins depuis la mise en vigueur de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale) dans un État lui-même en régression. Le gouvernement précédent a coupé dans les revenus en baissant les impôts. Le gouvernement actuel coupe maintenant dans les dépenses des ministères de régulation, dont celui de l'Emploi et la Solidarité sociale. L'augmentation du harcèlement à l'entrée à l'aide sociale et pendant la présence à l'aide, les compressions chroniques et annuelles dans l'aide à l'emploi ne permettent pas d'accepter l'argument que ces diminutions correspondraient à une meilleure situation économique des personnes. Il faut plutôt parler d'une action gouvernementale «Ponce-Pilate» qui livre davantage les membres de sa société à la loi du plus fort, ce qui constitue, sous une apparence de s'en laver les mains, une sérieuse forme d'intervention dans l'économie en faveur du haut de la hiérarchie sociale. Des protections sociales plus faibles et plus contraignantes d'une part, associées d'autre part à des mesures de soutien aux bas salaires pendant qu'on réduit l'effort fiscal des entreprises, constituent une forme d'intervention en faveur des employeurs et de l'emploi mal payé.
5. Une répression plus grande envers les plus pauvres qui va de pair avec une augmentation fulgurante et aidée par l'État des revenus du cinquième le plus riche de la population. L'analyse faite par le Collectif démontre qu'alors que le revenu des familles du cinquième le plus riche de la population (revenu moyen de 121 000 $ en 2000) s'est amélioré de l'équivalent d'un salaire minimum net par la croissance économique générale de 1997 à 2000 (données de l'Institut de la statistique du Québec) et de l'équivalent d'une prestation d'aide sociale nette par les baisses d'impôt cumulées depuis 2000 (compilation de La Presse au lendemain du budget), le choix du gouvernement pour 2005-2006 est d'en remettre par-dessus le paquet pour les plus riches tout en détériorant les protections sociales des plus pauvres. Le comble est atteint quand on réalise que la hausse du plafond des RÉER et des RPA accordée dans le budget Audet 2005-2006 coûtera pour une pleine année 15 M$, soit l'équivalent de la demi-indexation maintenant manquante aux prestations d'aide sociale. Cette décision, certainement fondée sur des préjugés et des pouvoirs d'influence différents, est en plus intenable et nuisible au plan économique. Les dollars manquant à la pleine indexation auraient été investis à coup sûr dans l'économie locale, contribuant à la vitalité économique et au maintien des emplois alors que l'économie intérieure est pénalisée par un dollar fort. Ces mêmes dollars, déployés en haut de l'échelle, risquent plutôt d'augmenter l'effet nuisible du dollar fort en étant plus facilement investis de façon fuyante, vers l'extérieur.
Deux propositions
Le Collectif termine ce constat pour le moins pénible par deux propositions qu'il invite la Commission des affaires sociales à véhiculer.
- Amener l'Assemblée nationale, de même que le gouvernement et le Conseil des ministres à développer un préjugé favorable à la mission de l'Emploi et de la Solidarité sociale et, tant qu'on ne pourra parler d'un Québec sans pauvreté, à en faire croître le budget en donnant la priorité à une sécurité du revenu qui couvre de mieux en mieux les besoins dans la dignité et l'égalité en droits ainsi qu'à une aide à l'emploi qualifiante permettant de diminuer le taux d'emplois mal payés et la pauvreté au travail.
- Donner suite à la suggestion du ministre Audet de requérir du gouvernement fédéral un niveau de contribution au financement de l'aide sociale au moins comparable à celui qui prévalait à l'époque du RAPC (Régime d'assistance publique du Canada). Si le budget du ministre est par ailleurs exécrable en matière de lutte contre la pauvreté, cette suggestion est à retenir.
L'analyse détaillée effectuée par le Collectif sur le budget et les crédits 2005-2006, incluant des tableaux à l'appui, ainsi que le texte de son avis aux membres de la Commission sont disponibles sur son site Internet au www.pauvrete.qc.ca.
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