20 ans après l’adoption de la Loi visant à lutter contre la pauvreté, il est temps que les parlementaires assument leurs responsabilités
Le Collectif pour un Québec sans pauvreté salue l’adoption par l’Assemblée nationale d’une motion visant à souligner les 20 ans de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Comme peu d’avancées ont été réalisées depuis l’adoption de la loi, le Collectif invite l’ensemble des parlementaires à enfin assumer leurs responsabilités, à inscrire la lutte contre la pauvreté parmi leurs priorités et à viser, comme lui, rien de moins que son élimination.
Le 16 février, l’Assemblée nationale a adopté, à l’unanimité, une motion conjointe visant à souligner les 20 ans de la Loi visant la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. La motion a été présentée par la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau, et la porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de solidarité sociale et d’action communautaire, Manon Massé. (Voir le libellé exact de la motion ci-dessous.)
Le Collectif pour un Québec sans pauvreté, qui a fortement contribué à l’adoption de cette loi, a voulu profiter de l’occasion pour rappeler son importance aux parlementaires et les inviter à enfin assumer leurs responsabilités; car malheureusement, la lutte contre la pauvreté n’a jamais fait partie des priorités gouvernementales dans les 20 dernières années. Une délégation d’une quinzaine de personnes du Collectif a donc assisté au dépôt de la motion et quatre d’entre elles ont participé à un point de presse aux côtés de la ministre Chantal Rouleau, de la députée Manon Massé, de la députée Elisabeth Prass et du député Joël Arseneau pour s’adresser aux parlementaires.
Il est possible de visionner le point de presse en ligne.
Voici un aperçu de leurs interventions :
France Fournier, présidente du conseil d’administration du Collectif pour un Québec sans pauvreté
« Depuis l’adoption de la loi, en 2002, je n’ai jamais cessé de militer contre la pauvreté… Et malheureusement, je me suis rendu compte que l’adoption de cette loi n’a permis que de bien modestes avancées. Il a fallu plusieurs fois lutter pour résister à différents reculs. Et, il faut bien le dire, les préjugés persistent à l’égard des personnes en situation de pauvreté, tout particulièrement à l’égard des personnes assistées sociales. Ces préjugés sont d’une grande violence et on devrait collectivement tout mettre en œuvre pour les déconstruire.
« Tout de même, aujourd’hui, en tant que présidente du conseil d’administration du Collectif pour un Québec sans pauvreté, je tiens à remercier les parlementaires pour leur appui unanime à la motion déposée par la ministre Chantal Rouleau et la députée Manon Massé. Surtout, je veux les inviter à prendre connaissance de la loi et à se l’approprier pour mettre la lutte contre la pauvreté au cœur de leur action. J’aimerais les inviter à mener cette lutte AVEC les personnes en situation de pauvreté puisque ce sont elles qui sont au cœur du déni de droits qu’est la pauvreté. »
Pierre Issalys, professeur émérite, Faculté de droit, Université Laval
« En dépit de ses insuffisances, la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale demeure un acquis précieux de la démocratie québécoise. Le processus citoyen qui lui a donné naissance a bien fait voir quelles ressources d’imagination et de volonté notre démocratie est capable de mobiliser. Son existence rappelle en permanence, à nous et à nos gouvernants, que l’invisibilité relative des pauvres ne justifie en rien l’acceptation et l’inaction devant le scandale de la pauvreté au sein d’une société riche. […]
« Sur le fond de la question, la loi a permis un certain nombre d’avancées – certes lentes, bien trop lentes – de notre politique sociale. Elle peut en permettre de plus significatives, pour peu que la volonté politique soit présente. Sur la forme, la loi illustre des possibilités novatrices d’emploi de la législation : une loi peut servir à programmer l’action publique; elle peut aménager un processus continu de réflexion du milieu social sur le déroulement de cette action; elle peut instituer l’évaluation préalable et l’évaluation rétrospective de l’impact de mesures gouvernementales – notamment de l’impact de ces mesures dans les «angles morts» de notre société, comme celui qu’occupent nos concitoyennes et concitoyens vivant la pauvreté. »
(Voir l’analyse plus détaillée de Pierre Issalys en ligne.)
Jacinthe Leblanc, déléguée du Collectif gaspésien pour un Québec sans pauvreté
« En décembre 2002, la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale est adoptée. Wow! un instrument, un horizon, un outil de travail exceptionnel pour guider le mien. Mais surtout, un processus porté par des personnes, pour des personnes; faire AVEC. Ce processus a marqué l’histoire collective du Québec. Il a généré fierté et goût d’agir. Et que dire de la coordonnatrice du début du Collectif pour un Québec sans pauvreté, madame Vivian Labrie, que j’appelle affectueusement La mère de cette loi? Son approche, ses réflexions, ses croisements de savoirs, sa grande écoute du terrain, furent pour moi l’exemple suprême à suivre.
« Le Collectif gaspésien pour un Québec sans pauvreté fait partie de ce grand mouvement de solidarité et surtout d’actions, de campagnes, et de moyens. Dans presque toutes les régions du Québec et au cœur de plusieurs organisations, des milliers de citoyen.nes sont engagé.es pour la justice sociale. »
Serge Petitclerc, porte-parole actuel du Collectif pour un Québec sans pauvreté
« De 1997 à 2002, j’ai milité pour l’adoption par l’Assemblée nationale d’une loi pour éliminer la pauvreté. J’ai contribué à ce grand mouvement citoyen qui a mobilisé des milliers de personnes et de groupes. 1500 organisations ont appuyé la proposition de loi citoyenne, dont des associations étudiantes, des cercles de fermières, des CLSC, des clubs d’âge d’or et même une soixantaine de MRC, de municipalités et de villes, comme Lévis, Québec, Rimouski et Trois-Rivières. Et quelque 215 000 personnes ont signé la pétition, déposée en 2000, appuyant l’idée que l’Assemblée nationale fasse sien ce projet citoyen.
« Malheureusement, 20 ans après l’adoption de la loi, force est de constater que nous sommes encore loin d’avoir atteint son objectif premier, soit de faire du Québec une société qui tend vers l’élimination de la pauvreté. En fait, depuis le dépôt du premier plan de lutte contre la pauvreté, en 2004, on a l’impression de faire du surplace. Mais voilà, nous aurons une belle occasion d’avancer vers cet objectif, cette année, avec le dépôt attendu du 4e plan de lutte contre la pauvreté. C’est une chose d’adopter une motion; maintenant, il est temps qu’en plus, les parlementaires assument leurs responsabilités. Pourquoi ne pas inscrire la lutte contre la pauvreté parmi les priorités gouvernementales et, comme le Collectif, viser son élimination? »
Notes
- En décembre dernier, le Collectif a envoyé son examen critique (en ligne) de l’application de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale à l’ensemble des parlementaires.
- Vivian Labrie, la première porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, qui a été au cœur du processus d’élaboration de la Proposition citoyenne pour une loi sur l’élimination de la pauvreté et de la mobilisation qui a poussé le gouvernement à adopter la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, était dans l’impossibilité de participer au point de presse. Elle a tout de même fait publier une lettre ouverte pour marquer le coup (ci-jointe).
- Pour plus d’information sur la proposition de loi citoyenne et sur les débuts du Collectif : https://www.pauvrete.qc.ca/a-propos-du-collectif/histoire-du-collectif/
Libellé de la motion adoptée par l’Assemblée nationale, à l’unanimité, le 16 février 2023
- Que l’Assemblée nationale souligne qu’il y a 20 ans, était adoptée à l’unanimité la première Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale en Amérique du Nord afin « de guider le gouvernement et l’ensemble de la société québécoise vers la planification et la réalisation d’actions pour combattre la pauvreté, en prévenir les causes, en atténuer les effets sur les individus et les familles, contrer l’exclusion sociale et tendre vers un Québec sans pauvreté »;
- Qu’elle reconnaisse l’importance de cette loi et de l’engagement citoyen qui a mené à sa mise en œuvre le 5 mars 2003;
- Qu’elle souligne que la Loi a mené à la création du Comité consultatif pour la lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale et salue les recommandations qui en découlent depuis sa mise sur pied;
- Qu’elle prenne acte des progrès qui ont été accomplis et des effets bénéfiques qu’elle a apportés au mieux-être des Québécoises et Québécois;
- Qu’elle rappelle l’importance de continuer de lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, une condition dans laquelle trop de Québécois se trouvent encore aujourd’hui;
- Qu’enfin, elle salue la volonté de la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire d’aller rapidement à la rencontre des acteurs et intervenants en lien avec cette importante mission et de mener des consultations en vue du dépôt du prochain plan d’action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.