Travailler à temps plein et avoir faim
Lettre publiée dans Le Devoir du 23 novembre 2022
Les responsables des banques alimentaires nous apprennent ces derniers jours que de plus en plus de travailleurs et de travailleuses font appel à leurs services, car leur salaire ne leur permet plus de joindre les deux bouts et de faire une épicerie complète. Cette situation est choquante puisque personne ne devrait avoir de la difficulté à se nourrir dans une société riche comme le Québec.
Parmi les nombreuses statistiques troublantes, le Bilan-Faim note une hausse de 20 % des recours aux banques alimentaires par rapport à l’an dernier. Cela représente en moyenne 2,2 millions de demandes d’aide alimentaire par mois, un nombre scandaleux !
Depuis plusieurs années, nos organisations sonnent l’alarme. Le problème n’est donc pas nouveau, mais il prend désormais des proportions inquiétantes dans le sillage d’une inflation galopante. Tout coûte plus cher : le logement, le transport et les aliments. Et les salaires ne suivent pas. Les personnes moins nanties subissent de plein fouet les contrecoups de l’augmentation du coût de la vie. La situation est dramatique et urgente.
Ça prend plus qu’un chèque !
Pour faire face à l’inflation, le gouvernement québécois a choisi d’envoyer un chèque à la quasi-totalité des Québécoises et des Québécois, même à celles et ceux qui n’en avaient pas besoin. Les personnes qui gagnent 80 000 $ vont recevoir 400 $ et celles qui gagnent 25 000 $ par année vont recevoir 600 $. Bien que cette mesure semble populaire, elle n’est pas structurante.
Le gouvernement dispose pourtant de plusieurs outils pour mieux soutenir les Québécois et s’attaquer aux véritables causes de l’inflation. Alors, pourquoi ne pas les utiliser ? Augmenter les salaires, en commençant par le salaire minimum, permettrait de mieux faire face à l’augmentation du coût de la vie.
On entend déjà les chefs d’entreprise déchirer leurs chemises alors que plusieurs d’entre elles ont enregistré des profits excessifs qui alimentent l’inflation. La plupart des analyses sérieuses le démontrent : les salaires ne sont pas l’une des causes de la récente augmentation du coût de la vie. Pour nos organisations, un salaire minimum à 18 $ l’heure serait beaucoup mieux qu’un chèque ponctuel.
D’autres mesures visant à mieux contrôler les prix pourraient être mises en oeuvre. Le logement occupe une grande place du budget des personnes à faible revenu. Bien que le gouvernement ait reconnu du bout des lèvres qu’il existe une crise du logement, aucun plan pour freiner la hausse du coût des loyers ou pour concrètement accélérer la construction de logements sociaux n’a été mis en place.
Plusieurs de nos organisations proposent la mise sur pied d’un régime public et universel d’assurance médicaments afin de faire baisser les coûts, qui ne cessent d’augmenter. Ce ne sont pas les idées qui manquent pour soulager le portefeuille des Québécois. Alors, qu’attend le gouvernent pour régler le problème ?
*Ont signé ce texte:
Caroline Senneville, présidente, Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Éric Gingras, président, Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Luc Vachon, président, Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
Denis Bolduc, secrétaire général, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
Lydia Martel, présidente par intérim, Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)
Christian Daigle, président général, Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ)
Vincent Chevarie, porte-parole, Au bas de l’échelle et Front de défense des non syndiquéEs (FDNS)
Virginie Larivière, porte-parole, Collectif pour un Québec sans pauvreté
Robert Comeau, président de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)
Eric Shragge, président du conseil d’administration, Centre des travailleurs et travailleuses immigrants