Témoignage: L’impact des pénalités à l’aide sociale sur les jeunes les plus marginalisés
(Lettre envoyée à François Blais et à Philippe Couillard en juillet dernier)
Messieurs François Blais et Philippe Couillard, votre projet de règlement visant la mise en œuvre du programme Objectif emploi prévoit des pénalités pour les premiers demandeurs à l’aide sociale. Comme plusieurs, ce qui m’inquiète beaucoup, ce sont les jeunes les plus marginalisés qui risquent d’écoper de cette mesure.
(Texte publié dans Le Soleil)
J’ai déjà travaillé comme intervenante dans une Auberge du coeur auprès de jeunes itinérants. A l’époque, j’avais été renversée par la condition physique et psychologique des jeunes, dont plusieurs avaient été coupés de 150$. On devait prêter des bottes de travail à ces jeunes pour aller travailler.
Un jeune était schizophrène mais, comme vous le savez, pour avoir une contrainte sévère à l’emploi, la personne schizophrène doit ne pas avoir travaillé les derniers cinq ans. Une jeune femme était enceinte depuis cinq mois, mais venait juste de s’en apercevoir.
Un autre consommait beaucoup d’alcool, et on devait parfois faire venir la police. Une autre avait perdu la garde de sa fille, sa santé mentale en était très perturbée. Une autre, très jeune, était en rupture avec ses parents et était très suicidaire.
Ce sont pour moi ces jeunes qui risquent d’être affectés, et leur aide doit être plurielle. Un ancien collègue me disait aussi que lorsque les jeunes avaient 300$ (dans l’histoire, les jeunes avaient un montant moindre), plusieurs menaçaient de se suicider.
Il est clair que votre nouveau règlement risque d’enfoncer ces jeunes davantage. Je vous souhaite de renoncer à ces coupures, déjà que l’aide sociale n’est pas suffisante pour couvrir les besoins de base.
Donc, veuillez renoncer à vos pénalités.
Bien à vous,
Isabelle Dicaire, Montréal