L’équilibre budgétaire, oui, mais pas à n’importe quel prix
Monsieur Leitão,
Le Collectif pour un Québec sans pauvreté déplore le fait qu’une fois encore, les moyens mis en place pour atteindre l’équilibre budgétaire auront pour résultats d’appauvrir les plus pauvres et d’accroître les inégalités socioéconomiques. Si le Collectif reconnaît qu’équilibrer le budget de l’État est un objectif louable, il est aussi d’avis qu’il serait encore plus louable de considérer d’abord les répercussions qu’entraînent les décisions gouvernementales sur le budget des personnes en situation de pauvreté et sur celui d’une bonne partie de la classe moyenne.
La situation est d’autant plus choquante et exaspérante que la croissance économique et l’action gouvernementale des dernières années ne semblent avoir profité qu’à une minorité de personnes riches et aux grandes entreprises, cela notamment par le biais de baisses d’impôts, les mêmes baisses d’impôt qui ont creusé un trou dans les finances publiques. Ainsi, tandis que le revenu des personnes en situation de pauvreté stagne et que le revenu de la classe moyenne peine à augmenter, celui des plus riches explose.
Deux tendances lourdes qui appauvrissent et accroissent les inégalités
L’action gouvernementale des trente dernières années a eu des conséquences déplorables pour les personnes en situation de pauvreté. Celle-ci a reposé sur deux tendances lourdes.
D’une part, la recherche du fameux « déficit zéro » a surtout servi de prétexte depuis 1996 à des compressions ou à l’abandon pur et simple de plusieurs programmes et services publics dont l’objectif était justement d’améliorer le revenu des plus pauvres et de protéger les conditions de vie de la classe moyenne. D’autre part, en parallèle avec ces compressions et coupes, l’État a augmenté ses revenus en haussant les taxes et les tarifs, ce qui a frappé plus durement les personnes avec un bas revenu.
Au cours des derniers mois, ces tendances se sont accélérées. En effet, des compressions et des coupes ont été effectuées dans les mesures d’aide à l’emploi, dans les programmes d’aide sociale, dans la santé publique, dans les commissions scolaires, etc., ce à quoi s’est ajoutée, entre autres, une hausse de 4,3 % des tarifs d’électricité en 2014. Avec la hausse de 2,9 % de cette année, Hydro-Québec aura augmenté ses tarifs de plus de 25 % depuis le dégel de 2004.
En somme, augmenter d’un côté les revenus de l’État au moyen de taxes et de tarifs et sabrer de l’autre les dépenses publiques, soit appliquer des politiques d’austérité, ne peut mener qu’à une augmentation de la pauvreté et à un accroissement des inégalités socioéconomiques.
Pour un Québec sans pauvreté, plus égalitaire et riche de tout son monde
Le Québec est une société de droit qui repose notamment sur la reconnaissance du droit de chacun à un niveau de vie suffisant. De plus, en adoptant à l’unanimité en 2002 la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, l’Assemblée nationale du Québec s’est spécifiquement engagée à augmenter le revenu des personnes en situation de pauvreté, à réduire les inégalités et à améliorer l’accès aux services publics. Or, malheureusement, l’action gouvernementale des dernières années semble vouloir faire fi d’un des principaux rôles de l’État, celui de mieux répartir la richesse.
M. le ministre, le Collectif est d’avis que le prochain budget québécois et les suivants devraient reposer non pas sur l’atteinte de l’équilibre budgétaire à tout prix, mais plutôt sur l’équilibre du budget familial des plus pauvres et de la classe moyenne. Cela signifie, entre autres, que toutes les décisions budgétaires devraient être jugées en fonction de leur potentiel d’appauvrissement ou d’accroissement des inégalités socioéconomiques.
M. le ministre, au courant des prochains mois, le Collectif sera dans la rue avec les autres mouvements qui se mobilisent contre l’austérité et pour une société reposant sur la justice sociale.
Serge Petitclerc, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté