Québec, le samedi 29 novembre 2003 - Le Collectif pour un Québec sans pauvreté s'est mobilisé à l'occasion de la manifestation «Stoppons la démolition » organisée par la CSN pour réclamer au gouvernement de Jean Charest de rectifier le tir en matière de lutte à la pauvreté. Le Collectif estime que plusieurs mesures envisagées en vue du plan d'action gouvernemental de lutte contre la pauvreté sont incompatibles avec la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Ces mesures ne respectent pas la dignité des personnes.
«Ce n'est pas un plan d'action contre la pauvreté que se prépare à déposer le gouvernement, mais un plan contre les pauvres, a déclaré Micheline Bélisle, du Collectif à la foule réunie devant l'Assemblée nationale. C'est un plan qui oublie que les personnes sont les premières à agir pour s'en sortir. »
Un projet de plan d'action qui reconduit des préjugés
Après l'adoption unanime de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, en décembre 2002, le gouvernement Charest est, depuis le 5 mai 2003, en défaut de déposer un plan d'action devant, notamment, viser à améliorer la situation des personnes en situation de pauvreté.
Le 10 novembre, le journal Le Devoir révélait de larges pans du plan envisagé par le gouvernement. Plusieurs mesures visent à «inciter» les prestataires de l'aide sociale à occuper un emploi. Elles prennent la forme de menaces et de coupures sur les prestations :
-Les familles à l'aide sociale avec enfant de 3 à 5 ans et les personnes de 55 à 64 ans verraient leurs prestations réduites de 111$ par mois ;
-Une pénalité de 50 $ serait introduite pour les personnes aptes au travail qui recevraient des prestations pendant 12 mois consécutifs sans s'être trouvé d'emploi et sans participer à un parcours individualisé vers l'insertion, la formation ou l'emploi;
-La prestation minimale non sujette à coupures serait établie à 80 % de la prestation actuelle, contrairement à la position autrefois défendue par le parti libéral qui réclamait l'établissement de cette prestation minimale au niveau de la prestation actuelle.
Rappelons qu'à 523$ par mois, la prestation de base actuelle pour une personne seule apte au travail demeure bien en deçà d'un revenu permettant la couverture des besoins essentiels, selon tous les indicateurs reconnus. À titre d'exemple, la mesure du panier de consommation développée par le ministère fédéral du Développement des ressources humaines estime à 930$ par mois les besoins d'une personne seule au Québec, excluant les médicaments. En plus le niveau actuel de la prestation présente un recul accumulé dans la couverture assurée par rapport à la prestation qui prévalait en 1985. Cette prestation vaudrait maintenant plus de 700$ en dollars de 2003.
Selon le Collectif, les mesures envisagées s'appuient sur des préjugés et sont contre-productives. Elles annulent les bienfaits pouvant découler d'autres mesures contenues dans le document gouvernemental, par exemple celles visant à assurer une meilleure couverture sociale pour les petit-e-s salarié-e-s et à retourner progressivement vers la gratuité des médicaments pour les plus pauvres.
Le Collectif s'oppose à un plan d'action qui adopterait une approche pénalisante à l'aide sociale utilisant la menace pour pousser les gens vers le marché du travail. L'augmentation du contrôle sur les personnes n'est pas la solution à l'accès à des emplois de qualité et aux défis de formation. Le Collectif estime que les coupures proposées pour certain-e-s personnes à l'aide sociale auraient pour effet d'accroître la pauvreté.
« La pauvreté ça nous concerne toutes et tous, a expliqué Renaud Blais, qui s'est lui aussi adressé à la foule au nom du Collectif . Si un jour vous aviez besoin de la sécurité du revenu, vous voudriez y être traité à l'égal des autres membres de votre société. Vous exigeriez qu'on respecte votre dignité et votre vie privée. Vous n'accepteriez pas que l'on vous soupçonne de vouloir tricher. »
Oui à un plan d'action qui respecte les buts de la loi
La loi 112 inscrit un certain nombre de buts très clairs : lutter contre les préjugés, protéger la dignité des personnes en situation de pauvreté, améliorer leur situation économique, favoriser leur participation aux processus qui les concernent, diminuer les inégalités dans la société et renforcer la solidarité dans la société face au problème de la pauvreté.
Pour le Collectif, ces buts doivent s'incarner dans un plan d'action qui :
- améliore les revenus de toutes les personnes pauvres ;
- respecte la dignité des personnes et rend effectifs leurs droits ;
- rétablit la gratuité des médicaments pour les plus pauvres ;
-investit dans des mesures volontaires vers l'emploi, améliore les conditions de travail et augmente le salaire minimum;
-établit un «barème plancher» à l'aide sociale couvrant les besoins essentiels;
-résout les incohérences de traitement des pensions alimentaires.
Le Collectif se joint à la Confédération des syndicats nationaux tout comme plusieurs organisations de la société québécoise pour dire : «Stoppons la démolition!» Il invite la population à faire de même.